Pour une nouvelle démocratie chrétienne

La Vie vient de publier l’Appel pour un nouveau catholicisme social, signé par dix-neuf intellectuels catholiques. Cet appel est une excellente nouvelle car notre époque tourmentée a besoin d’une parole forte des chrétiens sur la question sociale. Au XIXème siècle, le catholicisme social fut un courant de pensée né en France suite à la révolution industrielle et au contexte de lutte des classes engendré par celle-ci. Une pensée conçue par les travaux de laïcs, qui inspira l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII en 1891 et toute la doctrine sociale de l’Église qui fut élaborée ensuite. Un de ses plus illustres représentants est le bienheureux Frédéric Ozanam. Aujourd’hui, une démarche comparable à celle des catholiques sociaux doit se mettre en mouvement. Etudier, visiter, proposer pour tenter d’apporter des remèdes concrets et sociaux à notre société malade comme le propose cet appel.
Mais je crois que nous avons aussi besoin d’une démarche politique de catholiques français. Au XIXème siècle, certains catholiques sociaux ont développé une pensée politique. Ozanam privilégiait l’action sociale, mais sa réflexion sociale a suscité l’émergence d’une pensée politique : la démocratie chrétienne. En 1848, il a pris position en faveur de la République et il a réfléchi à une République suivant des principes évangéliques. Cette pensée a eu une fécondité phénoménale car la démocratie chrétienne a inspiré de nombreux gouvernements du XXème siècle. Les démocrates-chrétiens ont participé à la reconstruction de l’Allemagne, de la France et de l’Italie après la deuxième guerre mondiale. Les démocrates chrétiens de la Résistance française ont participé à la conception du programme du Conseil national de la Résistance, son président, Bidault, étant démocrate chrétien. Notre système social qui protège tant de personnes de la misère a été en partie pensé par ces hommes. Enfin, le Général de Gaulle était proche de cette famille de pensée.
Aujourd’hui, la crise sociale a des répercussions politiques. La tentation populiste n’a jamais été aussi forte. Les partis politiques modérés sont au plus bas. Il n’existe pas, pour le moment, d’alternative non-populiste à Emmanuel Macron. Si son échec se confirme en 2022, ou s’il démissionne avant, nous aurons très vraisemblablement le Rassemblement national au pouvoir, avec peut-être quelques supplétifs Insoumis.
Je ne crois pas que le populisme de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon puisse apporter quelque chose de bon à notre pays. Ni le Frexit, ni l’accusation permanente des étrangers et de la classe politique, ni des mesures anti écologiques ne peuvent apporter quoi que ce soit de positif à notre pays. Le Frexit affaiblirait la France, puissance moyenne, dans un monde multipolaire constitué d’États-continents (Etats-unis, Chine, Russie, Inde) puissants et menaçants. Le rejet des migrants, au-delà de son inhumanité, ne prépare pas le pays aux grandes migrations climatiques du futur. Quant au climatoscepticisme et la critique de l’écologie, cela aveugle totalement le pays face à la pire menace qui soit : l’effondrement des écosystèmes, le désastre climatique et à terme la fin de l’humanité… Ce n’est pas un slogan ou une allégorie mais une réalité que nous devrons être prêts à affronter, avec courage, lucidité et esprit de sacrifice. Comme tout est lié, ces trois problématiques marchent ensemble et pour faire face à l’effondrement écologique et à ses conséquences notamment migratoires, nous aurons besoin d’une Europe unie et forte.
Un tel virage démagogique serait donc un désastre : nous ne pouvons nous permettre d’avoir une version française de Salvini ou Bolsonaro à l’Elysée.
Mais nous ne pouvons pas non plus continuer avec la prétendue orthodoxie politico-économique de ces trente dernières années. There is no alternative, martèlent nos dirigeants de toutes tendances et de tous pays. Ni l’austérité imposée par Bruxelles, proposée radicalement par Fillon et appliquée en partie par les derniers gouvernements ne pourront sortir le pays du marasme. Ni le libre-échangisme à tout crin validé par le traité CETA et d’autres de type TAFTA ne pourront assurer un développement économique socialement et écologiquement juste. La mondialisation libérale a désindustrialisé la France… Elle a créé des chômeurs au Nord et des esclaves au Sud…
Nous avons besoin de réfléchir à une alternative au there is no alternative. Nous n’avons pas le choix, nous sommes au pied du mur. Soit Emmanuel Macron adopte un virage social et écologique efficace, soit il sera balayé par le populisme. L’autre solution serait de parvenir à construire une alternative républicaine qui puisse proposer un successeur non-populiste à Emmanuel Macron… Successeur qui n’aurait pas d’autre choix que de mener une politique ambitieuse, radicale et ne laissant personne au bord du chemin. Mais qui ? Personne ne se profile à l’horizon… Alors il faut au moins occuper le terrain des idées et réactualiser la démocratie-chrétienne.
Nous avons besoin de bâtir une nouvelle démocratie chrétienne, une nouvelle pensée politique qui s’inscrive dans la suite de ces hommes qui ont proposé des solutions sociales au XIXème siècle, qui ont bâti et appliqué le programme du Conseil national de la Résistance et qui ont lancé la construction européenne pour la paix et le développement.
Nous avons besoin d’apporter une réponse politique au drame de la France périphérique, rétablir l’égalité territoriale entre tous nos terroirs. Nous avons besoin de relancer la décentralisation, de sortir de cette logique de recentralisation qui éloigne les citoyens du pouvoir.
Nous avons besoin de penser la réforme de l’Etat afin qu’il soit efficace et moins onéreux. Mais sans tomber dans des politiques d’austérité catastrophiques : il faut sauvegarder les objectifs du programme du Conseil national de la Résistance. La sécurité sociale doit être sauvée, réformée sans doute, mais maintenue. Rappelons que les politiques d’austérité pénalisent en premier les plus pauvres et les moins aisés de la classe moyenne… Paupériser le pays serait dramatique et de futurs Gilets Jaunes, plus radicaux, se chargeraient de nous le rappeler.
Nous avons besoin de revaloriser le travail mais sans fustiger les “assistés”, ceux qui ne peuvent pas travailler doivent être préservés de la pauvreté. Personne ne doit rester au bord du chemin.
Nous avons besoin de sauver nos politiques sociales en les rendant plus efficaces. La famille est la cellule de base de la société, elle doit être au centre de la politique de solidarité.
Nous avons besoin de réformer nos institutions pour garantir plus de représentativité… Mais sans porter atteinte à la stabilité politique de la Vème République. Consultation des corps intermédiaires, arbitrages par référendum, c’est toute la démocratie qui est à revoir.
Nous avons besoin d’une Europe forte qui nous protège tous ! Une Europe démocratique du progrès social, de la transition écologique et de la protection économique. Une Europe militaire qui assure notre sécurité. Une Europe unie et puissante dans un monde multipolaire composé d’empires menaçants.
Nous avons besoin d’une ambitieuse politique d’écologie intégrale qui recouvre l’économie, la fiscalité, qui modifie en profondeur l’agriculture, le commerce, l’urbanisme, l’énergie, les transports, le tout fondé sur la recherche scientifique et la concertation démocratique. L’écologie intégrale doit tout concerner et orienter car il ne s’agit pas moins que de sauver l’humanité… Ce n’est donc pas un luxe ni une question secondaire, et nous devrons tous accepter de faire des sacrifices.
Nous avons enfin besoin d’une politique migratoire humaine et réaliste. Rappelons que le changement climatique va bientôt rendre la vie très difficile dans le Sud, nous devons être prêts à gérer, accueillir, intégrer, répartir les masses de populations qui migreront. Seule une réponse européenne peut le faire.
Nous avons besoin d’un nouveau projet politique construit, entre autres, sur ces questions et inspiré du catholicisme social. Nous avons besoin de reprendre le flambeau de la démocratie chrétienne, certes sous un autre nom, dans la suite de Frédéric Ozanam, de Robert Schuman, de Giorgio La Pira et de tant d’autres… et loin, très loin des populistes du RN et des Insoumis.
Charles Vaugirard
Une réponse à “Pour une nouvelle démocratie chrétienne”
Tu convoques des figures, des mots-clés, mais j’ai du mal à percevoir le contenu que tu mets derrière ?