La Vierge et le démon : un combat acharné pour les âmes

«Je mettrai inimitié entre toi et la femme »
Tous les croyants connaissent la prophétie du livre de la Genèse, dans la Bible : «Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité : celle-ci t’écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon. » (Gn 3,15). C’est Dieu qui s’adresse au serpent en ces termes. La Tradition a toujours vu dans cette prophétie l’annonce du combat de la Vierge contre le Démon. Mais comment la douce Marie s’y prend-elle pour contrer les attaques de Satan ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’analyser brièvement la tactique du diable. La riposte de la Vierge s’opère en symétrie de celle de l’ennemi du genre humain. Je ne prétends pas ici énumérer l’ensemble des objectifs que se fixe l’esprit mauvais. Je me contenterai d’en dessiner les grandes lignes.
La tactique diabolique en trois étapes
Le Malin procède en trois étapes afin de nous éloigner de Dieu, et d’obstruer ainsi aux pécheurs le chemin de la conversion. Dans un premier temps, il nous incite à pécher en nous faisant miroiter un bonheur trompeur. Pour cela, il nous conduit sur des voies qui, loin de procurer la joie promise, nous aliènent au contraire en nous retenant dans leurs rets addictifs et mortifères.
Ensuite, une fois que nous sommes tombés, le démon se fait sans vergogne notre accusateur auprès de Dieu ! Que l’on pense à son intervention à la cour céleste au sujet de Job ! Dans ce célèbre récit, l’Accusateur tenta de persuader le Très-Haut que dès lors que Job serait dans le malheur, il Le renierait allègrement, sous-entendant par là qu’il ne Lui restait attaché, tel un mercenaire, qu’en raison de sa (bonne) fortune temporelle.
Enfin troisième étage de la fusée démoniaque : le Diable met tout en oeuvre pour nous peindre Dieu comme un Juge terrible qui ne se laissera jamais fléchir, qui ne reviendra jamais sur son verdict de condamnation !
Telle est la valse à trois temps par laquelle le démon tente de nous ravir l’héritage princier que Dieu nous destine. Le diable joue ainsi sur tous les tableaux à la fois, des deux côtés de la table, comme le dit Fabrice Hadjadj, sans se soucier d’une quelconque cohérence dans son action. Tantôt il nous pousse à mal faire, tantôt il se fait notre accusateur (à propos des mêmes actes qu’il nous a poussés à commettre !), tout en nous laissant mariner ensuite dans une culpabilité lancinante. Finalement il nous plonge dans le désespoir, en nous persuadant que ce qu’il nous avait présenté initialement comme infiniment désirable, alléchant et bon, eh bien ! tout cela est si exécrable aux yeux de Dieu que Celui-ci ne nous le pardonnera jamais ! On ne peut pousser plus loin l’infamie et la traîtrise !
La riposte de la Vierge
A cette triple action du démon, la Vierge oppose sa triple action bienfaisante, en ripostant point par point. D’abord, elle nous met en garde contre la tentation, et les dégâts occasionnés par le mal au cas où nous y succomberions. Ensuite, une fois la faute commise, elle se fait notre avocate auprès de Dieu. Enfin, troisième étape, elle imprime indirectement en nos esprits la véritable image de Dieu, telle que Jésus son Fils nous l’a révélée : celle d’un Père riche en miséricorde. Telle est la stratégie à triple détente de Celle que Dieu a prédestinée à écraser la tête du Serpent. A cette fin, elle nous invite à prier l’Esprit Saint, lui qui est la douceur incréée en personne.
La mission de la Vierge est en symétrie inversée des procédés du démon. Là où ce dernier nous pousse au mal, puis devient témoin à charge, avant de nous barrer la route de l’espérance, la Vierge nous met en garde, puis intercède en notre faveur, avant de nous inciter à rejoindre la maison paternelle, en nous indiquant que la porte n’en est jamais fermée.
Ne pas sous sous-estimer les effets du péché dans notre esprit
Mais pourquoi recourir à la Vierge en pareil cas ? Si Dieu est bon, ne nous pardonnera-t-Il pas ? De quelle nécessité est la Mère du Christ dans cette affaire ? Ce n’est pas elle qui pardonne. Ce n’est pas elle qui a expulsé le Malin de ce monde, mais son Fils sur la Croix. Enfin ce n’est pas elle non plus que nos péchés offensent le plus, mais Dieu. Alors pourquoi avoir recours à elle lorsque le péché nous assaille, ou bien une fois qu’il a commis ses dégâts en nous ?
En fait, le péché déforme en nos esprits le visage du Créateur. De Père bon et compatissant, les traits de Dieu se changent soudain en ceux d’un Maître dur, d’un Moraliste implacable. Le péché instille en nous l’idée que notre faute éloigne Dieu de nous. Ce qui est doublement faux. Non seulement Dieu reste toujours proche du pécheur, guettant son retour, comme le père du fils prodigue de la parabole, mais de plus Il le « travaille » de l’intérieur, en l’appelant, par sa grâce, au repentir, à la conversion, en lui donnant le désir de retourner à la maison paternelle. Dieu ne cesse jamais de nous solliciter intérieurement. L’Esprit Saint suscite angoisse et inquiétude salutaires.
Si l’idée d’un maître dur, lointain, aux arrêts inexorables, germe si facilement dans nos esprits à l’occasion de nos chutes, la raison en est que péché nous rend vulnérable aux attaques démoniaques. Affaiblis par le mal commis, rongés par une culpabilité inconsciente, nous prêtons alors une oreille trop complaisante au Malin, qui nous décrit Dieu comme un juge aux décisions irrévocables. Nous pensons que Dieu est comme nous : nous étant éloignés de Lui, nous nous imaginons qu’Il a fait de même à notre égard !
Garder la foi en la bonté de Dieu
Surtout le mal que nous avons commis a consisté d’abord en un manque de foi en Sa bonté. Le mauvais esprit nous a soufflé à l’oreille, comme il le fit jadis au jardin d’Eden, que telle idole ferait mieux notre bonheur que les biens que Dieu nous a promis. Et ce manque de foi en Sa bonté se perpétue en manque de foi en Sa miséricorde. De même que le pécheur n’a pas cru que Dieu assurerait mieux sa félicité que tous les artifices et les pompes que lui vantait le démon, de même ne donne-t-il pas maintenant créance au Christ lorsque celui-ci non seulement lui dépeint Dieu sous les traits d’un père miséricordieux, mais surtout lorsqu’il lui révèle qu’Il est notre Père, un Père à la paternité beaucoup plus aimante que notre père et notre mère biologiques. Dans l’esprit dévasté du pécheur, ne reste plus alors que la représentation d’un juge tatillon et vindicatif. Image glaçante qui obstrue à elle seule la voie du retour à la maison divine paternelle.
Le sourire miséricordieux de la Vierge
C’est ici que se greffe l’action déterminante de la Vierge Marie. La douceur de ses traits, sa tendresse maternelle, incitent le pénitent à entreprendre le voyage de retour avec d’autant plus d’entrain que la route en sa compagnie semble moins marquée par la perspective de la punition, du châtiment. Avec le concours de son Fils, auquel elle renvoie toujours, la Vierge évangélise notre conception de la divinité. Elle est le sourire de Dieu, de ce Dieu que le Serpent tentait de nous décrire comme un Procureur impitoyable. Un sourire en totale opposition aux traits crispés par la jalousie et la haine de son adversaire infernal.
Au rebours du serpent et de sa traîtrise, la Vierge nous enseigne que nous possédons aux cieux un Père toujours prêt à nous pardonner, et qu’il n’y a rien d’humiliant, contrairement à ce que tente de nous persuader l’esprit orgueilleux, à se précipiter dans Ses bras.
Jean-Michel Castaing
Une réponse à “La Vierge et le démon : un combat acharné pour les âmes”
Si diable existe, je vois que sa troisième tactique n’est plus très actuelle. En tous les cas, pas pour tous car beaucoup ne connaissent plus ce qu’est la culpabilité. On en est a l’image d’un dieu très bon et beaucoup moins juge.. ..