Des dettes et des hommes
Deux ardoises pour une génération
Les Etats des pays avancés (économiquement) croulent sous les dettes (ils ne sont pas les seuls ailleurs). Les chiffres donnent à ce point le vertige que cet endettement finit par sombrer dans l’irréalité. Dettes qui deviennent, dans l’esprit du citoyen lambda, aussi virtuelles que les sommes astronomiques que les traders manipulent sur les écrans avec leurs algorithmes.
Plusieurs générations ont endetté leurs descendants en toute inconscience. Elles battent maintenant leur coulpe. Cependant cette repentance ne suffira pas à rétablir les comptes publics. D’autant plus qu’il n’est pas uniquement question de sous dans l’affaire, mais également d’écologie. En effet ce ne sont pas seulement les finances qui sont dans le rouge : l’état de la planète est tout aussi préoccupant.
Non contents de laisser des comptes dégradés, les anciens lèguent à leurs successeurs un monde très pollué et dont les ressources énergétiques seront épuisées dans peu de temps, un monde qui voit des espèces disparaître à un rythme inquiétant. En guise d’ardoise, de passif, les nouvelles générations sont servies !
Réticence à transmettre : le fruit d’une mauvaise conscience ?
Est-ce pour cela que ces dernières sont si mal à l’aise à l’égard de la dette culturelle qu’elles ont envers leurs aînés ? Encore que les jeunes ne sont pas les derniers à réclamer davantage de contenu d’enseignement. Car il existe bien une troisième dette, tout aussi importante, et qui pose débat : celle de la transmission culturelle. Dans ce domaine, il semble que le déficit ne soit pas davantage imputable aux nouvelles générations. Ce troisième déficit, comme les deux précédents, semble plutôt émaner de ceux qui sont chargés de les enseigner, c’est-à-dire de ceux qui les ont déjà endettées financièrement et écologiquement !
Comment expliquer pareille situation ? Les aînés voudraient-ils se faire pardonner les deux premières dettes en n’ imposant à leurs progénitures aucune contrainte en matière de grammaire, d’orthographe, de savoir-vivre, d’apprentissage onéreux des trésors de culture dont ils ont eux-mêmes jouis, et que, par un mépris inconscient, ils estiment peut-être que leurs enfants n’auront jamais le niveau pour goûter ?
L’impasse du pédagogisme
Les parents culpabilisent d’avoir endetté leurs enfants. Dès lors, ils peinent à leur apprendre les règles élémentaires de la vie, du langage et de la culture. Ils font comme si tout ce savoir était inné chez leur progéniture. Par une aberration de l’esprit assez stupéfiante, certains pédagogues soutiennent la thèse suivante : l’élève, loin d’avoir à cultiver une quelconque dette envers le génie de ceux qui l’ont précédé, devrait devenir au contraire le maître de son propre apprentissage !
Selon certains pédagogistes, il suffirait de lui donner le désir d’apprendre, sans lui imposer aucun contenu particulier, et l’affaire serait dans le sac ! C’est là une parfaite illusion. Comme si l’élève connaissait d’avance ce qu’il avait à apprendre ! Curieuse inversion des rôles. Surtout cruelle défausse des adultes devant leur rôle de transmetteurs, de passeurs. Qui peut croire à l’opérationnalité d’un tel dispositif ?
Un troisième déficit
Démission inquiétante, qui explique que l’analphabétisme gagne chaque jour du terrain en France, pays riche, et dont le budget de l’ Education nationale est le premier de l’Etat. Un peu comme si les vieux (ne voyez dans cette appellation rien de péjoratif – au demeurant, le simple fait que je me crois obligé de le préciser est déjà un indice que nos sociétés redoutent la vieillesse et ne l’estiment guère, au contraire de certaines sociétés traditionnelles pour lesquelles un âge avancée est une marque d’honneur) désiraient se faire pardonner l’addition qu’ils laissent à leurs descendants en leur épargnant tout effort pour accéder aux fondamentaux de la culture. Cette démission, loin de desserrer l’étau sur nos jeunes endettés, ne fait que rajouter la démagogie à l’irresponsabilité.
Ne pas jeter le bébé culturel avec l’eau de l’équilibre financier
Jamais la mauvaise conscience des anciens n’ épongera la dette qu’ils ont laissée à leurs descendants. Il ne manquerait plus qu’aux passifs financiers et écologiques vienne se greffer la carence éducative ! Le déficit intellectuel et moral qui en résulterait n’aurait alors rien à envier à celui des comptes publics. Aux handicaps financiers et écologiques ne doit pas s’en rajouter un autre : celui de l’ignorance de la dette culturelle que nous avons envers ceux qui nous ont précédés.
Il reste à espérer que cet état de fait, assez complexe dans ses spécificités, et dont nul ne peut prédire l’issue, ne remette pas en cause la solidarité intergénérationnelle.
Jean-Michel Castaing
Une réponse à “Des dettes et des hommes”
Des dettes ou selon mes observations, des échecs cuisants et inavouables de choix sans prétention imposés par des illuminés qui ont su faire le tapage nécessaire en mettant à contribution une Presse sans scrupules pour “faire du scoop”, à tous prix !
Les contre – producteurs de richesses ont su s’imposer dès le début du XIXème siècle pour interdire que perdure le raffinement culturel et artistique et l’esprit d’intelligence gestionnaire et productive, qui valorisait le goût de l’effort, du mérite : celui qui oeuvrait pour améliorer le bien – être humain et animal.
Pour moi, toutes les dettes s’entassent lamentablement à cause du travail de sape et au crédit que nos médias apportent aveuglément aux donneurs de leçons revanchards, hédonistes sans le sentiment amoureux et incultes.