Bienheureux Louis-Edouard Cestac

Le diocèse de Bayonne célèbre ce 31 mai la béatification du Père Cestac. Qui était cet homme hors du commun, dont l’oeuvre, à sa mort, compte une congrégation de plus de 900 religieuses et plus de 150 écoles ?
Cestac, du professeur au fondateur
Né en 1801, Louis-Edouard se sent rapidement appelé à la prêtrise. Sa vocation s’enracine dans sa dévotion à Marie, à qui il devait d’être guéri, à 3 ans, d’un mal face auquel les médecins se déclaraient incompétents. Le P. Cestac est doué intellectuellement et il passe ses premières années de prêtre à enseigner au séminaire les mathématiques puis la philosophie.
Il n’hésite pas à dialoguer avec les courants de pensée de son temps : il dira plus tard que « Les discussions (… sont) d’une grande utilité, car c’est du choc des opinions que souvent jaillit la lumière ». Le nouvel évêque de Bayonne, craignant une contagion (non avérée) par les ‘idées nouvelles'1notamment celles de Lammenais change l’équipe de direction du séminaire et le nomme troisième vicaire de la cathédrale de Bayonne.
Dans les rues de Bayonne, le P. Cestac est sensible à la misère des jeunes orphelines, qui sont menacées par la prostitution, qui sévit alors à Bayonne près des chantiers navals. En 1836, il fonde un foyer pour les accueillir, dans une maison dénommée Le Grand Paradis qu’il reçoit de la ville de Bayonne, où il entreprend de leur donner une instruction, pour les protéger de la prostitution. Il dit ainsi « (L’enfant) est comme une plante précieuse qui doit un jour porter de grands fruits, mais qu’il faut développer par une culture sage, intelligente et suivie.»
De jeunes filles de la région viennent le seconder dans son œuvre éducative, parmi lesquelles sa propre sœur, Élise. Celles-ci se dévouent à l’éducation des orphelines et à la prière. Lorsque ces “auxiliaires” seront appelées au service d’un lycée de Toulouse, le P. Cestac, encouragé par son évêque, formalisera cette vie religieuse naissante en fondant en 1842 la congrégation des Servantes de Marie. Elle sont alors 14 à recevoir la consécration.
Cestac, attentif aux signes des temps
Œuvrer à protéger les jeunes filles de la misère n’est pas assez : il lui faut secourir celles tombés dans la prostitution. « Devant ce cadavre d’une prostituée de 20 ans, au milieu des cris et des sanglots de ses compagnes épouvantées, écrit-il, je promis au Seigneur de travailler tous les jours de ma vie à préserver les jeunes innocentes et à retirer celles qui s’étaient perdues ».
Le Père Cestac envoie les premières filles qu’il secourt dans les refuges des environs, mais ceux-ci sont vite pleins. Faute d’alternative, il prend alors une décision qui va provoquer un tollé dans la ville : il héberge des prostituées repenties dans le grenier de l’orphelinat.
Sommé de trouver rapidement une autre solution, et pressentant que la campagne serait plus appropriée que la ville pour cette nouvelle œuvre, il reçoit en priant la Vierge l’idée d’un domaine agricole, qu’il évoque avec un malade qu’il visite. « Mais ce domaine, s’écrie son hôte, existe, vous l’avez à trois minutes d’ici, à la maison Châteauneuf et à sa propriété qui sont à vendre ! ». Le P. Cestac rachète la maison et crée en 1838 Notre-Dame du Refuge.
Contrairement aux “refuges” de l’époque, Notre-Dame du Refuge n’est pas une maison fermée. Le P. Cestac pense en effet que c’est librement que les “repenties” doivent rester.
Pressé par le besoin de nourrir les jeunes accueillies (il y eut vite plus de 100 personnes à Notre-Dame du Refuge), le P. Cestac, un mois à peine après l’arrivée à Notre-Dame du Refuge, prend le chemin de la Meilleraye, en Bretagne, pour s’initier aux méthodes modernes d’agriculture importées d’Angleterre par les moines cisterciens. Le P. Cestac devient un véritable agronome et fait de nombreux essais : engrais, semences, … En 1857, face au succès de l’exploitation, il sera d’ailleurs élu président du comice agricole de Bayonne et décoré en 1865 de la légion d’honneur pour son action agricole et sociale !
Quelques-unes des prostituées accueillies à Notre-Dame du Refuge désirent vivre une vie religieuse. Ces “repenties” souhaitent vivre une vie austère, retirée du monde. Le P. Cestac leur donne une cabane sur les dunes, qu’il a reçue en héritage : il adjoint en 1851 une branche contemplatives aux Servantes de Marie : les Bernardines.
En 1850, la loi Falloux est votée. Le P. Cestac, attaché à l’éducation et notamment l’éducation des jeunes filles peu répandue à l’époque, y voit une opportunité. La Congrégation des Servantes de Marie obtient en 1852 une reconnaissance légale et le P. Cestac envoie ses jeunes religieuses enseigner. Là encore, il va se montrer inventif : il crée pour ces écoles une méthode de lecture… Quelques années plus tard, 150 écoles desservent plus de 10 départements.
Cestac, homme de prière
Toutes ces œuvres ne sont pas que le fait d’un homme débrouillard. Le P. Cestac est surtout un homme de prière, extrêmement dévoué à la Vierge Marie, à qui il confie tous les aspects de son œuvre.
On lit dans son journal : « Je vous renouvelai tous mes sentiments d’offrande, de dévouement, de sacrifice, et enfin j’allais vous demander les 50000 francs, lorsque vous me fermâtes la bouche, et vous me fîtes entendre cette parole si digne de Vous et de vôtre grandeur, ô ma divine Mère : « Ne me demande que mon esprit » Je m’arrêtai de suite, humilié, confus de tant de bonté ; je compris que le reste, c’est-à-dire l’œuvre, devrait être et serait votre ouvrage ; que seule vous vouliez la fonder et pourvoir à tout ce qui lui serait nécessaire.
Oh oui, la plus tendre des mères, donnez moi votre esprit ; je vous le demande uniquement, car je sais et vous me l’avez bien prouvé, que tout le reste nous sera donné par surcroît. Donnez votre esprit à votre œuvre en général et à toutes les âmes que vous daignez y appeler…»
Pour en savoir plus sur le P. Cestac, je vous recommande l’excellente biographie d’Yves Chiron.
Incarnare
Auteur du site theologieducorps.fr
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Notes :
1. | ↑ | notamment celles de Lammenais |
Une réponse à “Bienheureux Louis-Edouard Cestac”
Le père Cestac est également connu partout dans le monde pour la prière qu’il a reçue de la Vierge Marie en songe : l’histoire en est très belle et sa béatification est une belle occasion de la faire redécouvrir en France !
L’histoire ici par exemple : http://www.chretiensmagazine.fr/2010/09/priere-pour-envoyer-le-mal-dans-labime.html?m=1