Les anglicans tentent de se réconcilier
Le primat anglican Justin Welby a nommé le prêtre américain Tory Baucum parmi les Six Prêcheurs de la cathédrale de Canterbury. A travers lui, c’est avec la moitié dissidente de la Communion anglicane (80 millions de fidèles) qu’il tente de se réconcilier.
Le Collège des Six Prêcheurs fut créé en 1541 par l’archevêque de Canterbury Thomas Cranmer. Contrairement à une opinion commune, celui-ci est le véritable père de l’Eglise anglicane : Henry VIII, en séparant l’Eglise anglaise de Rome, en faisait une Eglise catholique schismatique. C’est Cranmer, acquis à la théologie de Jean Calvin, qui diffusa la Réforme protestante en son sein.
Les Six Prêcheurs sont une équipe de théologiens tenus de prêcher 20 fois par an, au nom de la cathédrale de Canterbury, église-mère de l’anglicanisme. Chargés de remplacer le chapitre des moines après la Réforme, leur rôle est de veiller à la pureté de la doctrine, et de se déplacer dans les paroisses pour prêcher les vérités chrétiennes.
Tory Baucum est un prédicateur reconnu, qui apprécie beaucoup le Pape François, qu’il cite fréquemment sur son blog. L’archevêque Justin Welby a commenté cette nomination en ces termes : « Je prie pour que la présence de Tory parmi les Six Prêcheurs joue un rôle de réconciliation et d’unité parmi nous ».
En effet, le révérend Baucum, recteur d’une paroisse en Virginie, est membre de l’Eglise anglicane d’Amérique du Nord (ACNA), dissidente de l’Eglise anglicane des Etats-Unis, l’Eglise épiscopale. L’ACNA fait elle-même partie d’un groupe plus large, les Anglicans Confessants, qui ont formé une « contre-Communion anglicane » schismatique.
Le schisme de la Communion anglicane
Le schisme anglican existe depuis 2003, lorsque l’Eglise épiscopale américaine ordonna évêque un homosexuel vivant en couple, Gene Robinson. Cet évènement mit en lumière le militantisme LGBT d’une partie grandissante du clergé anglican occidental, ultime symptôme du libéralisme théologique qui avait déjà suscité l’ordination des femmes prêtres, et le relativisme des dogmes et des mœurs au sein de leurs Eglises.
Le problème est que l’essentiel des forces vives de la Communion anglicane se situent désormais au Sud, en Afrique anglophone (Nigéria et Ouganda, principalement) et en Océanie. Or, ces millions d’anglicans sont hostiles à l’évolution des Eglises occidentales.
Alors que de nombreux anglicans américains faisaient sécession de l’Eglise épiscopale, les Eglises d’Afrique et d’Australie rompirent leurs liens avec elle, et boycottèrent le synode de Lambeth de 2008, qui réunit en Angleterre l’ensemble des évêques anglicans autour de l’archevêque de Canterbury. Le schisme était consommé.
Cette division a profondément bouleversé l’anglicanisme, dont l’existence en tant que Communion mondiale est devenue virtuelle. L’archevêque de Canterbury de 2003 à 2012, Rowan Williams, proche des libéraux, fut accusé d’en être partiellement responsable, pour avoir rejeté les dissidents, et pour ne pas avoir clarifié la doctrine anglicane au sujet des pommes de discorde, notamment l’homosexualité.
Son successeur, Justin Welby, cherche à revenir sur le schisme. Il se rapproche des Anglicans Confessants par son refus du mariage gay et de l’avortement, et surtout par son insistance sur la mission, la lecture de la Bible et la prière.
La main tendue aux dissidents
En nommant Tory Baucum, prêtre dissident, parmi les Six Prêcheurs chargés de proclamer la doctrine, Justin Welby adresse un message fort aux schismatiques de la Communion anglicane.
C’est dans la paroisse londonienne Holy Trinity Brampton, que Justin Welby a connu Tory Baucum. Cette église est le berceau des cours Alpha : des sessions de dîners entre chrétiens pratiquants ou non, « recommençants » ou non-croyants, conçues pour approfondir la foi, qui ont été adoptées par les catholiques.
En février 2013, Justin Welby convia Tory Baucum, représentant les anglicans dissidents, à une rencontre de réconciliation, avec un évêque épiscopalien américain, en la cathédrale de Coventry, en Angleterre. Rebâtie après la Seconde guerre mondiale par des volontaires allemands et britanniques, le choix de cette cathédrale comme symbole de paix était éloquent.
En octobre 2013, Justin Welby créa la surprise en se rendant au sommet des anglicans schismatiques, réunis à Nairobi, au Kenya. « L’Eglise anglicane doit être sainte et unie », y déclara-t-il.
Cadre pétrolier en Afrique avant d’être prêtre, puis évêque, Justin Welby a également été, pendant plusieurs années, médiateur de conflits, notamment au Nigéria, entre chrétiens et musulmans. Il compte sur cette expérience pastorale pour atténuer les divisions qui traversent l’Eglise anglicane.
Bougainville
Une réponse à “Les anglicans tentent de se réconcilier”
Article intéressant !
Juste un point à corriger :c’est la paroisse de Holy Trinity BrOmpton (et non Brampton) qui a lancé les cours Alpha. Merci !