La France au chevet de la RCA
En décembre 2012, les vacances de Noël de certains militaires français furent interrompues par les nouvelles venant de la République centrafricaine: une bande de rebelles, répondant au nom de Séléka (“coalition”), fonçait sur la capitale, Bangui, et menaçait le général François Bozizé, au pouvoir depuis 2003.
Ancienne puissance coloniale, la France avait alors le choix d’intervenir immédiatement, pour défendre le gouvernement sortant, ou se contenter d’assurer la sécurité de ses ressortissants, et d’observer une stricte neutralité dans le conflit. François Hollande préféra la seconde option, mais a finalement été contraint de se rallier à la première, après presque un an d’attente. Entre-temps, le général Bozizé a été déposé en mars 2013, et remplacé par Michel Am Nondroko Djotodia, qui s’est révélé incapable de mettre un terme à l’anarchie et aux règlements de comptes.
La République centrafricaine (RCA) est depuis plusieurs décennies ce qu’on appelle pudiquement dans le jargon diplomatique un “failed State“, un État dont l’administration et les services ne fonctionnent plus, et où l’économie est exsangue. Le pouvoir s’y prend de manière brutale, et dépend des rapports de force avec les pays voisins.
Ainsi, en 2003, le général François Bozizé, membre de l’ethnie Gbaya, originaire de l’ouest du pays, prit le pouvoir avec la bienveillance de la France, qui espérait qu’il assure la stabilité de la RCA. Une première guerre civile éclata cependant dès 2004, jusqu’en 2007, entre les Gbaya et certaines tribus nordistes (les Gula et les Runga). Celles-ci étaient soutenues par le Soudan voisin, dont elles partagent la religion musulmane, minoritaire en Centrafrique, où les chrétiens, protestants et catholiques, sont majoritaires. Fortes de l’appui soudanais, ces ethnies furent officiellement mises en échec, mais le nord de la RCA échappa au contrôle du régime de Bangui.
En décembre 2012, des nordistes, renforcés par des bandits de grand chemin et des éléments soudanais, se regroupèrent au sein de la Séléka et commencèrent leur conquête du pouvoir, matérialisée par leur pillage de Bangui, et du reste du pays. Au passage, des atrocités prirent pour cible les Gbaya, ethnie du président déchu, ainsi que les chrétiens: en effet, les supplétifs soudanais de la Séléka sont imprégnés par la Charia, imposée au Soudan, et transformée en arme de guerre contre les chrétiens au cours la guerre civile qui a agité ce pays pendant de nombreuses années.
En face, une milice Gbaya pro-Bozizé, appelée “anti-Balaka” (“anti-machettes”), a été mise sur pied, et s’est attaquée aux Séléka, ainsi qu’aux musulmans, assimilés aux rebelles. Cet affrontement est d’abord ethnique et politique, et non religieux, malgré ce qu’en pensent certains médias occidentaux. L’énergique archevêque catholique de Bangui, Mgr Nzapalainga, a pris la protection des civils de tous bords, et prêche la paix interconfessionnelle.
Devant ce chaos, la France n’avait donc pas d’autre choix que de finalement intervenir, pour désarmer les différentes milices et sécuriser la capitale. Plus de 1 600 soldats français se déploient donc depuis le 5 décembre à Bangui, dans le cadre de l’opération “Sangaris”, lancée avec le feu vert de l’ONU. Un nombre jugé très insuffisant par l’état-major, compte tenu de l’ampleur de la tâche.
Cette opération n’est pas populaire au sein de l’opinion publique française, et ne présente guère de gains politiques immédiats, contrairement au Mali, où l’ennemi “islamiste” était clairement identifié. En revanche, les intérêts économiques sont réels (Areva y exploite l’uranium), même s’ils ne semblent pas avoir déterminants dans la décision d’intervenir.
“Sangaris”, du nom d’un papillon africain, risque d’être aussi éphémère que lui: la milice Séléka, principale responsable de l’anarchie en cours, s’est évanouie devant les Français. Mais les problèmes restent entiers. L’État, quel que soit son commandeur, n’existe pas, les frontières sont poreuses, et le Soudan demeure une menace extérieure.
Plus que de nouvelles élections imposées par la France, qui risquent de créer de futurs conflits, entre les nordistes et les ethnies majoritaires, la solution serait de refonder l’Etat centrafricain. Dans ces conditions, la pacification de la RCA s’annonce comme une tâche de longue haleine.
Une réponse à “La France au chevet de la RCA”
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