Consultation nationale du CESE : propositions

Le CESE
Le CESE, Conseil économique, social et environnemental, lance une consultation nationale suite aux évènements récents. Il s’agit d’une plateforme où tout le monde peut rédiger des propositions de réforme, voter pour des propositions écrites par d’autres citoyens et les commenter. Il s’agit d’une démarche positive qu’il faut investir.
Je me suis inscrit sur cette plateforme et j’ai soutenu les suggestions suivantes. Elles ont en commun d’être des réformes institutionnelles. Leur ligne directrice est le renforcement de nos institutions. Nous avons la chance d’avoir une constitution garantissant des institutions stables. Depuis 1958, nous n’avons jamais eu de crise gouvernementale, ni de crise de régime. C’est une force qu’il ne faut pas remettre en question. Nous devons conserver la Vème République dans son architecture générale et ses principes fondateurs. Mais nous devons la renforcer dans ses points faibles qui sont apparus en soixante années de pratiques et avec le contexte actuel.
Une crise de représentativité est survenue en France. La démocratie représentative est remise en cause après quarante ans de crise économique qui se sont traduits politiquement par une alternance/ sanction systématique et une montée des extrêmes. Le “dégagisme” apparu en 2017 avec l’élection d’Emmanuel Macron, semble avoir atteint son paroxysme avec l’actuelle crise des Gilets jaunes qui revendique la démocratie directe. Pour répondre à ce problème, voici sept propositions avec leur lien vers le site du CESE si vous souhaitez voter pour elles :
- L’exigence d’un casier judiciaire vierge pour être élu à tout mandat électif et nommé à tout poste ministériel. Les scandales marquant notre vie politique, ainsi que les réélections d’élus condamnés, ont profondément blessé le lien de confiance entre les Français et la classe politique. Le contrat de confiance indispensable pour toute démocratie est en bien mauvais état. Une mesure aussi forte que celle-ci doit pouvoir contribuer à le restaurer.
- Rendre le vote obligatoire. Dans notre pays voter est un droit, mais c’est aussi un devoir civique comme l’indique nos cartes d’électeurs. Un devoir qui, paradoxalement, n’est pas défendu par une sanction quand il n’est pas respecté. Tous les commentateurs reconnaissent que l’abstention pose problème. Quand une élection connaît une abstention élevée, nombreux sont ceux qui discutent de la légitimité du scrutin. Pour le moment personne ne remet en cause ces élections, mais la légitimité des élus, ou du résultat pour un référendum, est écornée. Rendre le vote obligatoire comme c’est le cas en Belgique ou en Australie renforcerait considérablement la légitimité du scrutin. L’abstention serait sanctionnée par une contravention de 2eme classe, c’est-à-dire une amende de 150 euros. En cas de récidive, la sanction serait une contravention de 5eme classe, c’est-à-dire une amende de 1500 euros. Bien sûr, des recours seraient possible si l’abstention était justifiée par un empêchement de force majeure (maladie, accident etc). La reconnaissance du vote blanc est le corollaire du vote obligatoire. Si quelqu’un refuse de s’exprimer, il peut voter blanc. Il compterait dans les suffrages exprimés.
- Mise en place du vote électronique. Les nouvelles technologies rendent possible le vote électronique : vote en salle municipale sur une borne installée dans un isoloir, vote sur Internet à partir d’un ordinateur ou d’une application smartphone, toutes ces solutions sont possibles. Deux conditions doivent être remplies : un dispositif de sécurité rendant impossible la fraude ou la violation du secret du vote, la possibilité pour les personnes âgées ou sans matériel informatique de voter. Si ces conditions sont satisfaites, alors cette technique doit être mise en oeuvre car elle facilite considérablement le vote. L’inscription sur les listes se ferait sur Internet, comme lorsque nous payons nos impôts en ligne. Le changement d’adresse serait d’une simplicité extrême. Le vote des personnes à mobilité réduite serait facilité. Enfin, des modes de scrutin innovant mais complexes à dépouiller à la main comme le Jugement majoritaire ou le Borda pourraient être mis en place.
- Réforme du Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel est une institution essentielle de la Vème République. Conçu au départ comme un gardien de la séparation des pouvoirs, il est devenu le défenseur des droits fondamentaux. Mais il n’a pas le statut de juridiction et son recrutement est parfois contesté (bien que très souvent de grande qualité). Cette institution fondamentale doit être consolidée : elle doit devenir une juridiction à part entière constituant même un troisième ordre de juridiction. Elle ne serait plus un Conseil constitutionnel donnant des “décisions” mais une Cour constitutionnelle, ou Cour suprême, délivrant des “arrêts”. Ses membres ne seraient plus des “sages” recrutés sans critères précis par le Président de la Républiques et les Présidents des chambres, mais des magistrats professionnels impérativement issus pour un tiers du Conseil d’Etat, un tiers de la Cour de Cassation et un tiers de la Cour des Comptes et élus aux ⅗ de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ainsi, ils auraient une forte légitimité démocratique et technique rendant leurs arrêts incontestables.
- Consultation systématique des corps intermédiaires. Les corps intermédiaires ont un rôle essentiel dans la société française. Je propose que pour chaque projet de loi les corps intermédiaires correspondants soient consultés et associés au projet. Ainsi, les lois modifiant le code du travail seront toutes prises après consultation et négociation avec les organisations patronales et syndicales ou encore les lois concernant les collectivités locales seront adoptées après consultations de celles-ci. Un tel dispositif de démocratie délibérative doit être prévu par la Constitution et organisé par une loi organique.
- Promulgation par le peuple. Depuis quelques années, la vie politique française connaît des grands mouvements sociaux et populaires de contestation de projets de loi en discussion au Parlement. CPE, Loi Taubira, Loi El-Khomri, les gouvernements de ces dernières années ont été inflexibles et seuls les mouvements violents ont obtenu gain de cause. C’est un grave problème car cela incite indirectement à la violence politique. Que faire ? Lors d’un conflit social, le gouvernement se revendique de la légitimité de l’élection face à “la rue”, et les manifestants affirment être représentatifs du peuple par leur vaste nombre. Dans ces conflits, aucune solution d’arbitrage n’est en place. Reste une solution : trancher le litige par un référendum. L’arbitrage populaire est indiscutable. Mais aucun gouvernement n’a osé utiliser le référendum… sans doute par crainte du résultat. Le référendum abrogatif avant promulgation, ou promulgation par le peuple, pourrait être un outil de résolution des conflits sociaux. Une fois la loi adoptée par le Parlement, un délai d’un mois serait en cours avant la promulgation par le chef de l’Etat. Durant ce délai, les citoyens s’opposant au texte auraient la possibilité d’organiser une pétition. Si celle-ci atteint les 700 000 signatures (1.5% du corps électoral), alors le texte serait proposé au référendum. Ce chiffre de 700 000 est un révélateur de conflit : s’il y a autant de personnes motivées contre ce texte alors c’est le signe d’un conflit appelant une résolution claire. Le Conseil constitutionnel (ou plutôt la Cour constitutionnelle si l’autre réforme abouti) constaterait les signatures et mettrait en place le référendum. Ce système éviterait l’enlisement des conflits sociaux et les risques de violences qui sont liés.
Réunies ensemble, ces réformes constituent un renforcement des institutions. La procédure législative intégrerait la consultation des corps intermédiaires et la possibilité d’un arbitrage référendaire d’initiative populaire. Les légitimités des élus et de la Cour constitutionnelle seraient très fortes et donc la démocratie représentative en sortirait grandie. Quant au vote électronique, il facilite les scrutins et rend possible des méthodes électorales innovantes et peut-être plus justes. Certes, cela ne réglera pas tous les problèmes, mais ça peut consolider notre Vème République.
Charles Vaugirard
Une réponse à “Consultation nationale du CESE : propositions”
Bonjour, merci pour cet article intéressant. Je souhaite simplement apporter quelques éléments concernant le vote électronique :
Celui ci augmente énormément la possibilité offerte habituellement à chaque citoyen de vérifier le fonctionnement du scrutin (vote papier, urnes transparentes) lire cet ancien article https://www.bortzmeyer.org/non-au-vote-electronique.html
Les machines à voter ne seront jamais sûres et inviolables, car un système informatique est trop complexe pour être aussi sûr. Lire par exemple ce papier https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/12/27/piratage-les-elections-americaines-sont-toujours-vulnerables_5402833_4408996.html
Ou encore ce billet de blog https://zythom.blogspot.com/2012/05/vous-ne-pourrez-pas-verifier.html?m=1
Je suis disposé à en discuter
Nathanaël