La pédagogie, le politique… et Pierre Gattaz

« Il y a un problème de pédagogie », la formule de Pierre Gattaz dans La Croix du 21 juin a de quoi agacer. Cette expression – devenue si courante – révèle le triste état de la politique dans notre pays.
Mais au-delà de ces questions étymologiques, c’est d’une conception technicienne de la politique que témoigne l’usage de cette expression. La politique ne consiste plus à choisir librement « en vue de la vie qui soit potentiellement la meilleure » (Aristote, Politiques, VII, 8), mais à bien appliquer des techniques. La question de la finalité (quelle société voulons-nous ?) est systématiquement remplacée par celle des moyens (quelle règle économique appliquer ?). Bref le rôle de décision de la politique est nié. L’opposant n’est plus quelqu’un qui a un projet différent, mais quelqu’un qui a mal compris comment ça fonctionne. Il suffit de lire la suite du propos de Pierre Gattaz pour s’en convaincre, quelle est sa solution à la crise française ? « mieux enseigner l’économie » ! Au lieu de voir en face la crise politique, on fait comme s’il ne s’agissait que d’une crise technique : les Français ont mal lu la notice d’utilisation de l’économie. Je revendique de ne rien y connaître en économie et d’avoir mon mot à dire sur la Loi Travail ! Car, oui, l’économie n’est qu’un outil et cet outil doit être soumis à une finalité qu’il ne peut se donner à lui-même. Ce n’est pas de spécialistes en économie dont nous avons besoin, c’est d’hommes politiques. Sans cela, l’économie (le moyen) continuera d’imposer sa direction (la finalité) et la politique (discussion et décision sur les finalités) de laisser peu à peu sa place à la technocratie (règne des moyens).
2 réponses à “La pédagogie, le politique… et Pierre Gattaz”
Bonjour Benoît,
merci pour ton article, qui est bien vu !
Et en effet : “La question de la finalité (quelle société voulons-nous ?) est systématiquement remplacée par celle des moyens (quelle règle économique appliquer ?)”. Je dirai même plus : esquissée au profit de l’efficacité pragmatique, la porte ouverte au relativisme, quand il ne s’agit pas de privilégier “l’intérêt du consommateur”, comme tu le soulignais sur RDN.
“Au lieu de voir en face la crise politique, on fait comme s’il ne s’agissait que d’une crise technique”. Ou d’un “phénomène naturel” ? De là à nous empêcher de porter un regard moral sur la crise, il n’y a qu’un pas…
En Christ,
Pep’s
Merci pour cet excellent article !
Nicolas