C’était mieux quand c’était mieux avant

“C’était mieux avant”, d’autres le disaient déjà avant vous ! Ce sentiment de nostalgie a habité toutes les époques et sa récurrence devrait prouver qu’il a lui-même fait son temps ! Du haut de ses innovations, le progressiste regarde le nostalgique et lui balance : “Allez, c’en est fini du “c’était mieux avant”, la nostalgie a fait son temps ! Ton sentiment, ils l’ont déjà éprouvé avant toi, fait l’effort d’innover ! Amasse les expériences inédites !”
Que toutes les époques aient prononcé en leur temps leur “c’était mieux avant” devrait donc dé-légitimer ce sentiment… Étrange. Fut un temps où l’âge donnait la noblesse et où l’ancienneté assurait la sagesse.
Évidement si ce “c’était mieux avant” espère interrompre le cycle des astres, il est vain. Mais peut-être qu’au contraire ce “c’était mieux avant” qui a traversé les siècles est ce qui permet au temps de continuer. Peut-être est-il le liant des temps. Par lui le passé, le présent et le futur ne sont pas des instants atomiquement juxtaposés. Par lui le temps se déroule en une continuité. Par lui le présent est l’engendrement d’un futur à partir du passé. Par lui le passé n’est pas clos (évitant ainsi le conservatisme), il est gros de possibles. Par lui le futur n’est pas sot (évitant ainsi le progressisme), il est le déploiement d’un héritage chargé de possibilités.
Peut-être cet archaïque sentiment est-il ce qui seul peut encore éviter que le monde ne se défasse.
Peut-être que c’était mieux quand c’était mieux avant.
“Chaque génération se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse.”
Albert Camus
Benoît
Une réponse à “C’était mieux quand c’était mieux avant”
Bonjour Benoît,
merci pour cette réflexion(et bravo pour ton précédent texte, très poétique !).
A noter qu’un sage célèbre a recommandé de ne pas dire qu'”autrefois, c’était mieux qu’aujourd’hui…”, car “Celui qui pose cette question n’est pas un sage”(Eccl.7v10) ! 😉
Et, ô paradoxe, ledit sage ajoute immédiatement après que “”la sagesse a autant de valeur qu’un héritage [je souligne]et elle profite à tout le monde. En effet, comme l’argent, elle protège du danger. Elle fait vivre plus longtemps ceux qui la possèdent. C’est pourquoi on gagne à la connaître”. Et ledit sage d’inviter à “regarder”(s’émerveiller ?) de “ce que Dieu a fait. Qui donc peut redresser ce qu’il a courbé ?” (v11-13). Un dernier verset qui ne plaira sans doute pas aux transhumanistes !
En Christ,
Pep’s