Rosaire 2015 : “On ne savait pas dire ce que l’on y vit.”

Fourcade Fernand/SIPA, via 20Minutes
Du 7 au 10 octobre prochain, le sanctuaire de Lourdes accueillera, comme chaque année, le pèlerinage du Rosaire. Comme Bernadette, les pèlerins y viennent pour prier le chapelet à la grotte. Emmenés par les Dominicains, ils perpétuent ainsi une tradition séculaire. Le frère Olivier de Saint-Martin o.p., prieur du couvent de Toulouse et directeur du pèlerinage, a expliqué aux Cahiers ce qui rendra l’édition de cette année spéciale…
Cahiers Libres : Le pèlerinage du Rosaire… Encore un pèlerinage à Lourdes ?
Frère Olivier : Le pèlerinage du Rosaire a été fondé en 1908 par les Associés du Rosaire Vivant, de Pauline Jaricot, proches de l’Ordre dominicain. Il y avait des gens partout en France qui priaient le chapelet, à Lourdes on prie le chapelet, pourquoi ne pas amener ces gens à la Grotte, là où Bernadette faisait de même à chaque apparition. Progressivement, le pèlerinage devient spécifiquement dominicain, et compte aujourd’hui près de 18.000 pèlerins, dont 2.000 lycéens, 4.000 bénévoles, 1.500 malades et près de 200 membres de l’Ordre.
La spécificité du Rosaire, c’est qu’il ne se compose pas uniquement d’hospitaliers et de malades : c’est un pèlerinage de pèlerins, où l’on vient se ressourcer, se former, à l’école des frères prêcheurs.
Je suis persuadé que le message de Lourdes est hyper actuel. Et il faut qu’on arrive à montrer que c’est pour tout le monde!
CL : Plus de cent ans d’existence… Le modèle du pèlerinage du Rosaire est-il toujours d’actualité ?
Fr.O. : Je constate qu’on a moins de monde, la culture du pèlerinage et l’image de Lourdes sont à la baisse. Les confréries et les équipes du Rosaire, l’ancienne colonne vertébrale du pèlerinage, ne le sont plus. Et c’est difficile d’avoir des gens qui viennent. Pour les 25-50 ans, l’image pressentie du Rosaire, c’est que c’est un truc de vieux. Alors je me suis entouré de professionnels de la communication, à la base pour avoir leur expertise, leur montrer ce qu’on faisait. Et je me suis rendu compte qu’on communiquait plus sur le lieu que sur ce que l’on vit. Et je crois que le message de Lourdes, celui de Bernadette, catéchisée par Marie, est très actuel. Elle était pauvre, et la pauvreté est une problématique très présente aujourd’hui. Elle est fragile, et on parle souvent des maladies physiques à Lourdes, mais depuis 10 ans, on voit émerger des maladies psychiques, psycho-physiologiques, comme le burn-out, qu’on ne peut pas ne pas prendre en compte. Et je suis donc persuadé que le message est hyper actuel. Et il faut qu’on arrive à montrer que c’est pour tout le monde, et ça, on ne sait pas, on ne savait pas le dire.
J’ai donc demandé à des jeunes, à eux qui savent parler, de me donner leur avis sur ce que je faisais, et en l’espace d’une journée, j’ai pris cher… Mais c’était génial, parce que j’ai vu ce que eux voulait trouver à Lourdes. Que l’on donne déjà, mais on ne savait pas le dire. Et de là est née cette idée de confier à des laïcs et des religieux compétents de tous les horizons la tâche de dire ce que l’on est. Pas communiquer pour communiquer, mais dire ce que l’on est, ce que l’on vit. Je ne suis pas là pour faire de la pub pour le Rosaire ou pour les sanctuaires, mais pour dire ce que l’on vit : la constitution d’une Eglise, quelque chose d’une communauté qui essaye de vivre l’Evangile pendant quelques jours. Bref, annoncer le règne de Dieu.
Autant d’opportunités de porter notre message hors des sentiers habituels du Rosaire.
CL : Pour l’édition 2015, vous avez voulu quelque chose de spécial. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Fr.O. : Tout d’abord, c’est les 800 ans de la fondation de l’Ordre dominicain. Il y aura donc un aspect culturel important, en plus de la formation proposée habituellement.
Il y aura également une cinquantaine de communicants, de tous les supports, notamment web, photo, vidéo. Ils viennent bénévolement pour dire ce que l’on vit avec leurs propres moyens, très différents. Ainsi, on a fait le pari de faire du direct, chose dont on a très peur d’habitude; faire un magazine vidéo quotidien professionnel de 7 minutes, sur un plateau TV; lancer une immense chaîne de prière (sur Hozana, ndlr), en essayant de fédérer ceux qui prient sur le web et ce qui vont prier à Lourdes. Un grand “foutoir”, obéissant au pape qui invitait les jeunes à se lancer. Et nous ouvrons grand notre porte! En plus des 50 sur place, on peut compter sur une vingtaine de jeunes qui relayeront.
Autant d’opportunités de porter notre message hors des sentiers habituels du Rosaire. Tous ces gens, œuvrant chacun dans leur domaine, vont se retrouver ensemble, travailler ensemble, et c’est Lourdes qui en sera l’occasion. Et ça, c’est formidable. Et je me prends à rêver – car je suis un grand romantique – d’une grande communauté catholique des communicants, un pèlerinage…
“Il y a de multiples demeures dans la maison du Père” : soit ce sont des villes, soit c’est une ville. Je préfère le concept de cité de Dieu, où l’on a des quartiers : nous voulons donner aux pèlerins l’occasion de visiter ces différents quartiers.
CL : Comment garder l’esprit du Rosaire et son message, sans tomber dans un “gloubiboulga” sans forme ni saveur ?
Fr.O. : Il y a donc des communicants, qui ont répondu à titre personnel, mais aussi des communautés : le Secours Catholique, l’Emmanuel, le Chemin Neuf, les Foyers de Charité,… Chacun a quelque chose à donner, des excellences. Techniques, mais pas que. Par exemple, le Chemin Neuf a une expérience unique en matière d’œcuménisme. Avoir une conférence donnée par le père Fabre, du Chemin Neuf, c’est admettre que nous, dominicains, ne pouvons pas prétendre épuiser la totalité de la catholicité de l’Eglise. Nous avons nos compétences, nos domaines d’excellence. Mais on a aussi beaucoup à recevoir de ce que savent faire les autres, de la manière dont ils vivent l’Evangile, et qui n’est pas notre dominante. Aucun ordre, aucune communauté ne peut prétendre épuiser le mystère de l’Eglise. “Il y a de multiples demeures dans la maison du Père” : soit ce sont des villes, soit c’est une ville. Je préfère le concept de cité de Dieu, où l’on a des quartiers : nous voulons donner aux pèlerins l’occasion de visiter ces différents quartiers.
Marthe Robin, et les Foyers de Charité, c’est un espace de prière extraordinaire. Nos moniales dominicaines le proposent aussi, mais on a peu cette capacité qu’ont les Foyers, parce que c’est là leur vocation. Et pourquoi est-ce que les pèlerins qui auraient besoin de vivre ceci, on ne leur montre pas ? C’est donc un prêtre – de l’Emmanuel – qui viendra parler de Marthe Robin.
Chacun a sa spécificité, au service d’une oeuvre : pas le pèlerinage du Rosaire, mais le message de Bernadette. Ca me frappe beaucoup, à Lourdes : Bernadette a dit “qu’on y vienne en procession et qu’on y construise une église”. Je suis persuadé que par delà les basiliques, la véritable église qu’il faut construire, c’est l’Eglise du Christ, qui se constitue lors d’un pèlerinage. Et c’est beaucoup plus riche pour nous d’accepter, de risquer le pari, d’avoir le culot de se dire “on a pas à avoir peur les uns des autres”. Au contraire, il faut qu’on se renvoit les uns aux autres lorsqu’une personne se présente avec un besoin qui ne correspond pas à nos charismes. Chacun reste lui-même, on essaye d’annoncer le Christ, et toutes les communautés présentes jouent le jeu : on ne vient pas se vendre, mais apporter ce que l’on est.
Une réponse à “Rosaire 2015 : “On ne savait pas dire ce que l’on y vit.””
[…] Chaque année, le pèlerinage du Rosaire mène des milliers de personnes à Lourdes. Mais 2015 sera spécial! Interview du fr. Olivier, son grand organisateur. […]