Edito : Arménien, par la grâce de Dieu

Le courage politique. Voilà une qualité que le monde attend de ses dirigeants. Malheureusement, je ne voudrais pas tomber dans un pessimisme très générationnel mais force est de constater que pratiquement tous les dirigeants en sont dépourvus. Tous ? Non. Une petite cité romaine abrite en son sein un vieil homme tout de blanc vétu, imparfait comme tous les autres hommes, mais qui résiste à la tentation de taire des mots fâcheux qui pourraient froisser certains.
Ce weekend, au Vatican, ce qui s’est passé n’était pas une petite provocation médiatique dont le but était de dépoussiérer une communication que d’aucuns jugeraient dépassée. Non. Ce weekend, le pape François -et toute l’Eglise avec lui – avec piété et panache, a honoré la mémoire d’un peuple dont l’histoire restera à jamais marquée du sceau sanglant de la barbarie humaine.
« Le premier génocide du XXe siècle a frappé votre peuple arménien – première nation chrétienne –, avec les Syriens catholiques et orthodoxes, les Assyriens, les Chaldéens et les Grecs. »
« Il n’y a pas de famille arménienne, encore aujourd’hui, qui n’a pas perdu un être cher dans ces évènements : ce fut vraiment le « Metz Yeghern », le « Grand Mal », comme vous avez appelé cette tragédie. »
« De nombreux Arméniens ont été capables de prononcer le nom du Christ jusqu’à l’effusion du sang ou en mourant d’inanition pendant l’exode interminable auquel ils furent contraints par les Turcs. »
Des mots forts qui rétablissent une vérité humaine et historique que la Turquie négationniste refuse de reconnaître, continuant ainsi à appuyer sur les plaies afin qu’elles ne cicatrisent pas.
« Chers frères arméniens, aujourd’hui nous rappelons, le cœur transpercé de douleur mais rempli d’espérance dans le Seigneur ressuscité, le centenaire de ce tragique événement, de cette effroyable et folle extermination, que vos ancêtres ont cruellement soufferte. Se souvenir d’eux est nécessaire, plus encore c’est un devoir, parce que là où il n’y a plus de mémoire, cela signifie que le mal tient encore la blessure ouverte ; cacher ou nier le mal c’est comme laisser une blessure continuer à saigner sans la panser ! »
Ce weekend, en déclarant ouverte l’année jubilaire extraordinaire de la Miséricorde, et en célébrant la fête de la Divine Miséricorde ce dimanche, le Pape a montré que dans le Christ, de même qu’il ne peut y avoir Charité sans Justice, il ne peut y avoir Miséricorde sans Vérité.
Courage politique également en rappelant que les chrétiens continuent de souffrir et de mourir au nom de leur foi, et trop souvent par l’épée de l’Islam. L’occasion pour Rome de rapprocher la situation qu’ont vécu les Arméniens en 1915 et le martyr que subissent aujourd’hui de nombreux chrétiens au Moyen-Orient, en Afrique ou en Asie 1voir également nos éditos: “Mort, où est ta victoire?”et Le sang des martyrs est semence de nouveaux chrétiens
« Nous assistons quotidiennement à des crimes atroces, à des massacres sanglants, et à la folie de la destruction. Malheureusement, encore aujourd’hui, nous entendons le cri étouffé et négligé de beaucoup de nos frères et sœurs sans défense, qui, à cause de leur foi au Christ ou de leur appartenance ethnique, sont publiquement et atrocement tués – décapités, crucifiés, brulés vifs –, ou bien contraints d’abandonner leur terre.
Aujourd’hui encore nous sommes en train de vivre une sorte de génocide causé par l’indifférence générale et collective, par le silence complice de Caïn qui s’exclame : « Que m’importe ? », « Suis-je le gardien de mon frère ? » »
Courage politique enfin de dire qu’il n’y a pas de concurrence victimaire quand on parle de génocides et de massacres. Il n’y a que les larmes de tristesse et la colère de voir les puissants inactifs face aux horreurs.
« Les deux autres [tragédies du XXe] ont été perpétrées par la nazisme et par le stalinisme. Et, plus récemment, d’autres exterminations de masse, comme celles au Cambodge, au Rwanda, au Burundi, en Bosnie. Cependant, il semble que l’humanité ne réussisse pas à cesser de verser le sang innocent. »
« Tous ceux qui sont placés à la tête des Nations et des Organisations internationales sont appelés à s’opposer à de tels crimes avec une ferme responsabilité, sans céder aux ambiguïtés ni aux compromis. »
« Encore aujourd’hui, il y en a qui cherchent à éliminer leurs semblables, avec l’aide des uns et le silence complice des autres qui restent spectateurs. Nous n’avons pas encore appris que « la guerre est une folie, un massacre inutile » »
Ce weekend, l’Eglise présentait son plus beau visage : celui du courage sans violence ; du souvenir dans le pardon ; de la prière dans l’Espérance.
Par la communion des saints et l’union au Christ par notre baptême, ce weekend nous étions tous Arméniens 2catholiques et apostoliques par la grâce de Dieu.
Ayssalène
Extraits issus des discours du Pape François, le 12 avril 2015, à Rome :
« SALUTATION DU PAPE FRANÇOIS AU DÉBUT DE LA MESSE POUR LES FIDÈLES DE RITE ARMÉNIEN » et
« MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS A L’OCCASION DU CENTENAIRE DU GENOCIDE ARMENIEN »
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Notes :
1. | ↑ | voir également nos éditos: “Mort, où est ta victoire?”et Le sang des martyrs est semence de nouveaux chrétiens |
2. | ↑ | catholiques et apostoliques |
Une réponse à “Edito : Arménien, par la grâce de Dieu”
“le courage politique. voilà une qualité que le monde attend de ses dirigeants. Malheureusement, je ne voudrais pas tomber dans un pessimisme très générationnel mais force est de constater que pratiquement tous les dirigeants en sont dépourvus. Tous ? Non. Une petite cité romaine abrite en son sein un vieil homme tout de blanc vétu, imparfait comme tous les autres hommes, mais qui résiste à la tentation de taire des mots fâcheux qui pourraient froisser certains.”
Courage politique ? La sienne est à géométrie variable comme pour tout le monde. En Afrique noir, il garde courageusement un silence complaisant face au durcissement pénal et civil contre les LGBT avec le soutien enthousiaste de l’église locale. Je reconnais sans peine son courage sur le génocide arménien, tout comme je dénonce sa veulerie satisfaite en Afrique.