Un Appel à la conversion écologique

“Appel du Carême 2015 pour une conversion écologique” Hein ? Quoi ? Encore ? Pourquoi ? Qui ? D’où ? A quoi ? Quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando ?
« Encore ? »
Et bien oui, puisque Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon, en avait lancé un il y a trois semaines (à retrouver ici). Tout à fait compatible, d’ailleurs, et du reste Mgr Rey fait partie des premiers signataires de l’Appel de carême dont il est question ici.
« Qui ? »
Des chrétiens. Et, presque, je voudrais m’arrêter là, et vous inviter à consulter la liste des premiers signataires.Vous y trouverez des catholiques, des orthodoxes et des réformés. Des personnalités connues, et des anonymes. Des évêques, des prêtres, et des laïcs. Des militants habituellement associés à « la droite » ou à « la gauche ». Bref, des chrétiens de tous horizons, réunis par une même préoccupation : le constat d’urgence vitale, pour notre humanité, de la question écologique.
« D’où ? »
D’ici et d’ailleurs, de partout.
Ne cherchez donc pas à « démasquer » un groupe politico-religieux, un parti, un lobby, un programme, qui avanceraient en tapinois derrière un appel au rassemblement. Il n’y en a pas. Il n’y a rien d’autre que – c’est notre souhait – les chrétiens, le plus grand nombre et la plus grande diversité possible de chrétiens.
« Pourquoi ? »
Parce que la maison brûle. Le dérèglement climatique engendre sécheresses et calamités météorologiques qui frappent les populations déjà les plus pauvres, les plus démunies, et jettent sur les routes des milliers de réfugiés. La pollution de l’air, de l’eau, de nos productions alimentaires cause d’un bout à l’autre de la planète malformations, cancers et autres maladies directement imputables à nos modes de production ; et les plus touchés sont ceux qui travaillent la terre. Les ressources non renouvelables techniquement accessibles viennent à manquer : énergies fossiles, minerais… et notre planète ne pourra pas, matériellement, nous offrir à la fois des ersatz renouvelables (tels que les agrocarburants) et nous nourrir. L’urbanisation galopante dévore les terres agricoles et menace notre sécurité alimentaire. Le trouble mariage de la technique et de la biologie fait émerger le spectre de l’eugénisme, d’une humanité à deux vitesses, dominée par des « super-humains » ou « trans-humains » dotés de la puissance de machines, et déshumanisés. La vie dans toute sa richesse, sa diversité, sa fragilité est ravalée au rang de produit marchand, sommé de faire preuve d’efficience ou de disparaître. Enfin, les écosystèmes sont dégradés dans des proportions effroyables et risquent, à court terme, de cesser de nous fournir leurs innombrables services, sans lesquels notre survie est tout bonnement impossible.
Parce que, dès le premier chapitre de la Bible, Dieu nous confie la Création. Comme chrétiens, nous sommes appelés à être les intendants prudents du monde empli de vie où nous nous trouvons placés. Celui-ci n’est pas un artefact, ni une parenthèse superflue : notre accomplissement de créature ne consiste pas à dévorer la planète. Longtemps, nous avions pu croire notre existence, notre mode de vie, à peu près indifférents aux capacités de régénération du globe. Il y eut, certes, des catastrophes écologiques locales, une surexploitation ponctuelle qui fit abandonner une cité, ensabla un port. A présent, tout est changé. Prendre soin de la Création n’a plus rien d’une abstraction : la capacité de l’homme doué de technique et d’énergie à surexploiter son monde au point d’en détruire la capacité à porter de la vie, à une échéance de l’ordre du siècle, est une réalité établie, démontrable, vérifiable. Se garder de ce péril passe dès lors au premier plan de toutes préoccupations, comme le fut, il y a cinquante ans, le combat des artisans de paix contre le risque d’apocalypse nucléaire.
Parce que, dès le quatrième chapitre, Dieu nous confie les uns aux autres. En l’état des ressources naturelles, suivre un chemin de conversion écologique, c’est répondre à l’éternelle interpellation divine : « Qu’as-tu fait de ton frère ? »
Nos frères d’ici, et des pays plus pauvres. Nos frères de ce temps, et nos frères à naître. Voilà tous ces frères qui sont, dès à présent, exposés à une multitude de périls mortels, si nous ne répondons pas à cet appel par un engagement de toute notre personne : une conversion.
« Où sont les chrétiens ? » Ne nous le cachons pas, à quelques exceptions près, nous sommes des tard-venus. Pour les catholiques, nous tardons même à répondre à l’appel de nos papes. Trop souvent, l’écologie a été rejetée dans l’ombre de la politique politicienne, voire de l’idéologie, ou encore considérée comme une sorte de pratique païenne consistant à « faire passer les crapauds avant les hommes ». Mais voici venus les jours où les crapauds, précieux auxiliaires de l’agriculture, sont en danger au point que cette même agriculture en soit à son tour menacée…
« Comment ? »
La crise écologique se traduit par d’innombrables manifestations dont l’énumération démoralise. Pour autant, la source est unique : un mode de vie passant outre les limites et les mesures, dans une logique d’accaparement effréné de matériel et d’énergie, insoucieux du monde et de l’autre, irresponsable. Aussi, chaque fois que nous renonçons à un comportement relevant de cette logique, nous agissons pour l’écologie, pour la Création, pour nos frères.
Il convient ici d’insister sur deux points : la nécessité de se former, et l’importance de rejoindre les hommes et les femmes qui, depuis plusieurs décennies, mènent déjà ces combats.
Sur le premier point, nous manquons, trop souvent, des connaissances nécessaires – principalement en sciences de la vie – qui nous permettent de comprendre à quel point les combats écologistes s’enracinent dans les données scientifiques. Or, pour adapter, mesurer, modérer la pression de notre mode de vie sur notre planète, il faut comprendre en quoi il influe sur elle, savoir qu’il ne s’agit pas d’affirmations gratuites, mais de mécanismes à l’ampleur démontrée. Ainsi l’opposition aux grands projets ne se base-t-elle pas sur un regard d’un romantisme naïf sur les beautés de la campagne, mais sur l’importance vitale des milieux naturels et de leurs nombreuses fonctionnalités (expansion des crues, autoépuration des eaux, réservoir de biodiversité et d’auxiliaires de l’agriculture, etc.) à mettre en balance avec les éventuels avantages de l’aménagement dans une optique de bien commun.
Car l’écologie est une affaire de justice et de bien commun. Encore faut-il être correctement informé pour savoir où se trouvent celui-ci et celle-là.
Second point : l’Appel est une invitation à rejoindre le combat écologique qui existe déjà, à l’enrichir et à s’enrichir de la diversité de ces rencontres, non une volonté de réinventer une écologie « communautariste ». En effet, « la parole évangélique et la conscience écologique partagent cette exigence spirituelle de simplicité, de mise en commun et de fraternité ». Faire fi des décennies d’expérience accumulées par les acteurs de l’écologie dans tous les domaines serait impardonnable. Les accusations réciproques de « faire de l’écologie contre l’homme » ou « d’avoir causé la crise écologique en appelant l’homme à soumettre la Terre » relèvent largement de fantasmes à balayer d’urgence. Chrétiens et écologistes non chrétiens ne peuvent que se retrouver dans le combat pour la préservation d’une Terre vivable pour tous.
« A quoi ? »
Partant de là, l’engagement écologique personnel traduira librement la diversité de nos talents. La transformation individuelle de notre mode de vie sera certes nécessaire – et le site de l’Appel offrira, bientôt, divers témoignages. Non pas dans le but de rejoindre les rangs des « donneurs de leçons » mais pour proposer des exemples de choix possibles, souvent pas si contraignants, et toujours libérateurs. Car la conversion écologique n’est pas un aride chemin de Calvaire, mais un chemin de Résurrection. Pour autant, changer nos habitudes d’individus ne suffira sans doute pas. C’est aussi à interpeller nos décideurs, en citoyens soucieux du bien commun, que nous sommes appelés : à transformer non seulement notre quotidien, mais nos sociétés. Partout où l’homme est acculé à poser, pour sa survie à court terme, un choix qui compromet les ressources naturelles à moyen terme, et donc la survie de ses propres enfants, il est victime d’une structure de péché, qu’il s’agit de renverser.
Aussi ne faut-il pas s’étonner que l’Appel soit général et peu directif : comme tout engagement au service du frère, les modalités de l’engagement écologique sont aussi variées que les demeures dans la maison du Père ! Reste, néanmoins, à ne pas en diluer la radicalité : il s’agit d’une conversion au sens plein du terme. Une conversion qui appelle à changer de vie, de regard, de système. Une conversion pleinement, fondamentalement chrétienne.
Phylloscopus
Une réponse à “Un Appel à la conversion écologique”
Une encyclique sur l’écologie Laudato si (« Loué sois-tu ») du pape François annoncée pour le 18 juin, une session de négociation intermédiaire du 1er au 11 juin à Bonn (Allemagne) pour trouver les premiers compromis en vue d’un accord international pour limiter le réchauffement climatique à 2° d’ici la fin du siècle, la tenue en décembre à Paris de la conférence internationale sur les changements climatiques (Cop 21) : l’année 2015 est celle de l’écologie. Après une première initiative qui, en 2011, avait réuni 1700 personnes le diocèse de St-Etienne et La Vie (avec le soutien de la Conférence des Evêques de France, les partenariats de RCF et des Facultés Catholiques de Lyon…) lancent de nouvelles Assises chrétiennes de l’écologie qui se dérouleront au Parc des expositions à St-Etienne les 28, 29 et 30 août prochain.
Parce que les menaces d’ampleur qui pèsent sur notre planète ne peuvent laisser les chrétiens indifférents (Un chrétien qui ne prend pas soin de la Création, dit le pape François, est un chrétien qui n’attache pas d’importance au travail de Dieu), parce que nous avons besoin aussi de réponses spirituelles à la crise écologique, nous avons choisi de réunir les meilleurs experts et penseurs sur la question, mais aussi de montrer toute la diversité des initiatives de terrain. L’enjeu est de taille. Il nous faut plus que jamais dessiner ensemble les contours d’une société plus juste et plus respectueuse de chaque homme et de la création.
Vous trouverez ci-joint et sur le site http://rencontres-ecologie-2015.assises-chretiennes.fr/ le programme de ces journées avec des propositions spécifiques pour les adultes mais également pour les jeunes de tous âges et les familles.
Nous comptons vraiment sur vous pour faire connaître ces Assises (paroisse, diocèse, mouvements, associations, réseaux d’amis…)
Cordialement
Père Jean-Luc SOUVETON (signataire de l’appel à la conversion écologique)