Frères !

7 janvier 2015. Charlie Hebdo. Une rédaction assassinée. Une nation endeuillée. Face au drame, à l’horreur indicible, l’unité du peuple de France vient comme un baume sur les blessures. L’union sacrée, comme ils disent. Sacrée, parce qu’elle est l’illustration du besoin impérieux des hommes de se retrouver ensemble, côte-à-côte pour affronter l’épreuve. Fraternellement.
Ce besoin emporte toutes les rancœurs passées. « Mon frère, ce peut être aussi mon contraire », rappelle Gérard Leclerc, qui salue dans une chronique la mémoire de visages « fraternels au-delà des différences ». Alors, être ou ne pas être Charlie ? La question défraie inutilement les chroniques. « Toute réserve cède devant l’ignominie de l’assassinat abject de simples dessinateurs, tranche Koztoujours. Et je n’ai aucun doute sur un point : je suis le frère de Wolinski, de Charb, de Tignous, de Cabu, de Jean Honoré, des hommes que leurs amis décrivent comme pétillants, chaleureux et facétieux et qui pouvaient, aussi, se montrer respectueux. Et je suis le frère des autres victimes des terroristes ».
« Sans liberté de la presse, il n’y a pas de liberté tout court » (Robert Badinter)
L’union fraternelle est d’autant plus nécessaire que nous sommes maintenant appelés à défendre le droit d’exprimer ses idées sans risquer de se faire trouer la peau. Quelle que soit la force et la forme des débats. Chrétiens, intrinsèquement amoureux de la liberté qui est l’enjeu même de notre vie, nous prenons part à cette cause. Pour la liberté de la presse, « aussi importante que la liberté religieuse ». Dixit le Saint-Siège.
Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas, se sont ainsi retrouvés spontanément le soir du drame pour rendre hommage aux victimes. Nous étions 35 000 à Paris, 15 000 à Lyon, 10 000 à Toulouse… Plus dignes que nos politiques, qui s’étripent pour savoir qui marchera ce weekend sous les drapeaux.
« Ce n’est pas la peur qui va gagner, mais le meilleur en nous qui doit se réveiller. » (Mgr Georges Pontier)
L’heure est au rassemblement et il nous appartient de profiter de l’élan fraternel du peuple français pour offrir au monde l’exemple d’une liberté vivante, tenant ses positions coûte que coûte face à la menace terroriste. Enracinons nos combats à venir dans cette expérience de vie. Car demain, après la gueule de bois, la France aura à lutter contre deux autres périls intérieurs : celui des amalgames poussant à voir un fanatique derrière chaque musulman, et celui d’un laïcardisme primaire condamnant de facto toute religion. Coincé entre ces deux feux, nous devrons nous souvenir du message adressé en décembre dernier par le pape François aux chrétiens du Moyen-Orient, qui en connaissent un bout sur les tirs croisés : « le dialogue fondé sur une attitude d’ouverture, dans la vérité et dans l’amour, est le meilleur antidote à la tentation du fondamentalisme ! »
Nous le crierons, nous l’écrirons. Nous le dessinerons. Les kalash s’enrayent, pas les crayons.
Joseph Gynt
Une réponse à “Frères !”
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