“Tout ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé”

Nativité, Icône copte éthiopienne.
« Tout ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé »1Saint Grégoire de Nazianze, Lettre 101, 32, Sources Chrétiennes n. 208, p. 50.
Tel est l’adage fondamental formulé par les Pères de l’Église au sujet du mystère de l’Incarnation rédemptrice du Verbe. Le Verbe a-t-il vraiment pris un corps humain ? Oui, sinon ton corps ne serait pas sauvé ! Le Verbe a-t-il eu une âme humaine comme la nôtre ? Oui, sinon ton âme ne serait pas sauvée ! Le Verbe a-t-il habité une culture ? Oui, sinon notre culture ne pourrait être transfigurée ! Tout ce qui fait l’humanité, tout cela, le Verbe de Dieu l’a habité, pénétré, imbibé, tout cela le Verbe l’a sauvé.
L’arnaque gnostique
Il n’est pas venu nous révéler la présence en nous d’une étincelle divine qui, seule, survivrait après notre mort et qui serait notre véritable moi. Ceux qui nous annoncent un tel salut, ne nous sauvent qu’au prix d’une amputation. Leur salut est une arnaque :
Si seule une part divine en nous est sauvée, qu’en est-il de notre humanité factuelle ? Notre corps, notre âme, nos relations… tout cela serait à balancer ?
Un tel salut ne sauverait rien de ce qui fait notre humanité concrète. Ce salut au rabais est pourtant le fond de commerce inépuisable de tous les charlatans ; depuis les gnostiques du IIe siècle jusqu’aux magazines de développement personnel tant à la mode aujourd’hui, on nous promet la découverte de notre vérité intérieure au prix de l’abandon de notre facticité.
Le Salut intégral
Le Salut que nous offre Jésus est, lui, très concret ! C’est notre humanité factuelle – pesante, charnelle, empêtrée dans moultes relations, parfois magnifique, parfois foireuse – que Jésus a assumée et qu’il veut sauver. Toute notre humanité est ressaisie, récapitulée par le Verbe fait homme. Assumant une pleine nature humaine, il offre à chacun de nous la possibilité d’être tout entier uni à lui. Uni à lui concrètement, non pas vaporeusement (gnostiquement), mais charnellement et spirituellement. Jésus est vrai homme et vrai Dieu pour transfigurer notre entière humanité en sa divinité.
Et ce, de bout en bout, de l’intime de notre âme, à la corne de nos mains, du secret de notre imagination aux productions culturelles de notre siècle, du vagissement de notre naissance aux gémissements de notre agonie.
La folie d’amour du Christ
Ceux qui ont honte de leur humanité faite de chair, d’os et de mucus, d’une naissance dans les cris, d’une vie dans la sueur, et d’une mort dans les larmes peuvent trouver le christianisme honteux et l’incarnation du Verbe dégoûtante. Ceux qui rêvent d’une humanité augmentée, lisse, parfaite ne peuvent rien y comprendre.
Mais Lui – Lui qui nous aime – n’a pas eu honte, n’a pas eu peur.
Dieu se faisant petit-enfant, nous fait aimer l’homme concret. L’homme que lui-même a aimé. Devant ce Dieu nous défaillons d’amour.
C’est sur les mots poignants, adressés à l’aube du christianisme, par Tertullien au gnostique Marcion – qui refusait de croire en la réalité d’une naissance charnelle du Christ – que je voudrais finir :
« Tu méprises, Marcion, le nouveau-né, cet objet naturel de vénération : et comment es-tu né ? Tu hais la naissance de l’homme : et comment peux-tu donc aimer quelqu’un ? (…) Le Christ, au moins, aima cet homme, ce caillot formé dans le sein parmi les immondices, cet homme venant au monde par les organes honteux, cet homme nourri au milieu de caresses dérisoires. C’est pour lui qu’il est descendu. (…) Ainsi en même temps que l’homme, il a aimé sa naissance, il a aimé sa chair. On ne peut pas aimer un être sans aimer en même temps ce qui le fait être ce qu’il est. » 2Tertullien, La chair du Christ, IV, 2-3, Sources Chrétiennes, n. 216. L’extrait en entier ici.
Benoît
Lisez aussi :
Notes :
1. | ↑ | Saint Grégoire de Nazianze, Lettre 101, 32, Sources Chrétiennes n. 208, p. 50. |
2. | ↑ | Tertullien, La chair du Christ, IV, 2-3, Sources Chrétiennes, n. 216. L’extrait en entier ici. |
Une réponse à ““Tout ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé””
merci
Vous m’avez permis de retrouver l’auteur de “tout ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé”
Sr Michèle Jeunet