La Toussaint du Président d’Haïti

Un événement historique pour Haïti s’est produit samedi 1er novembre. Pour la première fois, un Président d’Haïti est venu en visite officielle en Franche-Comté, au Fort de Joux : la forteresse où est mort Toussaint Louverture, le précurseur de l’indépendance d’Haïti.
Le Fort de Joux est une imposante construction de pierres. Une citadelle perdue au coeur des montagnes du Jura, dans le département du Doubs. Le fort se trouve dans un région froide où il n’est pas rare que le thermomètre avoisine les moins 30 degrés… Non loin de là se trouve la combe de Mouthe surnommée la “Sibérie française”.
En 1803, Napoléon Bonaparte a emprisonné dans cette prison le Gouverneur de Saint Domingue : Toussaint Louverture. Un ancien esclave qui s’était révolté contre le pouvoir esclavagiste en 1791, dans le tumulte de la Révolution française.
Un moment rempli d’émotion, au cachot là où ce géant de l’histoire universelle a connu ses derniers jours! pic.twitter.com/prXDxkuyY5
— Michel J. Martelly (@MichelJMartelly) 1 Novembre 2014
Toussaint était le chef des esclaves révoltés : un nouveau Spartacus, un Spartacus noir. Mais un Spartacus victorieux car il a obtenu l’abolition de l’esclavage. Devenu général sous le Directoire, Toussaint devint très vite gouverneur de Saint Domingue.
Mais le prestige de Toussaint, son indépendance vis à vis de la métropole, inquiéta le nouveau dirigeant de la France : Napoléon Bonaparte.
Bonaparte n’appréciait pas que cette colonie soit trop libre et surtout il désirait rétablir l’esclavage.
Ce fut le début d’une guerre, et Toussaint fut arrêté, amené en France et enfermé dans une cellule du Fort de Joux.
En quittant son île, il dit : « En me renversant on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté des noirs qui repoussera par ses racines car elles sont profondes et nombreuses. »
L’arrivée de cet esclave révolté marqua la mémoire des habitants de la Franche-Comté, notamment la famille de Victor Hugo. Cette histoire inspira à ce dernier son premier roman “Bug Jargal”, qu’il écrivit des années plus tard, à l’âge de seize ans.
Toussaint mourut dans sa prison. Un homme des tropiques comme lui ne put supporter le climat du Jura, d’autant que ses geôliers lui réduisait son bois de chauffage…
L’arrestation de Toussaint n’arrêta pas la guerre de Saint Domingue, et les esclaves révoltés conduits par Dessaline gagnèrent la bataille de Vertière qui chassa les Français de l’île le 1er janvier 1804.
Napoléon avait connu sa première défaite. L’Aigle avait été battu par les héritiers de Spartacus. Haïti était née.
L’actuel Président d’Haïti, Michel Martelly, est venu célébrer la mémoire de Toussaint Louverture pour la Toussaint. Nous pouvons être surpris qu’il ne soit que le premier. Cela s’explique parce que le véritable fondateur de l’Etat haïtien est Jean-Jacques Dessaline, le successeur de Toussaint. Le dictateur François Duvalier considérait qu’Haïti était “Dessalinienne” et non “Louverturienne”, d’ailleurs l’hymne nationale d’Haïti se nomme la Dessalinienne…
Et pourtant la figure de Toussaint Louverture dépasse celle de Dessaline. Il est le premier leader noir combattant l’esclavage, et avant Nelson Mandela, il était un défenseur de la cohabitation entre noirs, blancs et métis… Alors que Dessaline n’aimait guère les visages pâles, ce qui anticipe le nationalisme noir des Duvalier.
Martelly a ainsi voulu envoyer un signe fort à l’opinion publique haïtienne. Il est l’homme de la concorde entre les noirs, les métis et les blancs. Il s’inscrit dans la lignée de Toussaint et non dans celle des Duvalier. Le duvalierisme semble bel et bien mort.
Charles Vaugirard
Une réponse à “La Toussaint du Président d’Haïti”
[…] du précurseur de l’indépendance d’Haïti. Quelques mois avant, le Président Martelly avait visité en France le Fort de Joux où Toussaint Louverture a été retenu en captivité par Napoléon Bonaparte. La […]