Le Christ Roi de l’Univers

En instituant la fête du Christ Roi par l’encyclique Quas primas, le Pape Pie XI motivait sa volonté par le fait qu’il constatait que « ce débordement de maux sur l’univers provenait de ce que la plupart des hommes avaient écarté Jésus Christ et sa loi très sainte des habitudes de leur vie individuelle aussi bien que de leur vie familiale et de leur vie publique… »
Avec la promulgation du Missel dit de Paul VI, cette solennité jusque-là célébrée le dernier dimanche d’octobre a trouvé naturellement sa nouvelle place, le dernier dimanche de l’année liturgique, faisant d’elle, selon le mot du Pape Benoît XVI, « le couronnement de l’année liturgique ». En célébrant le Christ Roi de l’Univers, l’Eglise nous redit le devoir impérieux que nous avons de rappeler au monde les droits de Dieu et ceux des hommes et nous invite à considérer les fins dernières et l’éternité pour laquelle nous sommes faits. En manifestant l’amour du Christ pour tous et en particulier pour les plus petits, nous révélons au monde sa royauté d’amour, de justice et de paix.
Juge de la Charité
« Jésus parlait de sa venue à ses disciples : Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire… » Notre juge sera Jésus, Lui qui a été jugé par des hommes, a été condamné, est mort par amour pour nous et est ressuscité. « Il siègera sur son trône de gloire » : ce verset nous renvoie directement au fait que le Christ est Roi, Souverain Prêtre et Juge. Dans le Credo nous affirmons qu’ « Il reviendra dans sa gloire pour juger les vivants et les morts… » Saint Jean Chrysostome dit que « cette fois il ne fait plus comparaître devant lui deux ou trois personnages, mais l’univers tout entier[1]. » Ce qui est souvent très théorique dans nos esprits se révélera en plénitude, nous serons jugé par le juste Juge qui sonde les cœurs et les reins…
Que faut-il faire? Nous connaissons tous la réponse : « Tu aimeras le Seigneur Ton Dieu de tout ton cœur… et ton prochain comme toi -même… » Mais comment aimer Dieu que je ne vois pas ? Je répondrais : en aimant ceux qu’Il aime d’un amour de prédilection. Mais qui sont-ils ? L’Evangile de ce jour est limpide :
« Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! » (…) ‘Vraiment, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait’. »
Voilà ceux pour qui le Seigneur a une prédilection, ceux en qui Il nous invite à L’aimer. Dans la Bible on parle aussi d’une autre « catégorie » de pauvres : les anawim, les pauvres de Dieu. Cette expression ne désigne pas seulement la pauvreté matérielle, elle contient aussi l’idée de petitesse et d’abaissement qui caractérise la juste attitude de la créature devant Dieu. La Vierge Marie, la prophétesse Anne et le vieillard Siméon en sont les plus belles illustrations. Aussi Jésus nous invite à L’aimer et à Le servir dans les miséreux qu’il confie à notre charité. Ce sont ceux que l’opération Hiver Solidaire, que nous allons vivre dans quelques semaines dans notre paroisse, nous invite à rencontrer, à servir et à aimer. Enfin, Il se manifeste à nous dans les humbles, les doux et les petits des Béatitudes auxquels il nous invite à ressembler.
« Il séparera les hommes les uns des autres… », comme le bon grain l’est de l’ivraie dans la parabole éponyme. Nous pouvons dire avec Origène : « Tant que les méchants s’ignorent et ignorent le Christ, et tant que les justes ne connaissent encore qu’en énigme, les bons ne sont pas séparés des méchants. Mais quand le Christ se manifestera, tous se connaîtront : les pécheurs connaîtront leurs fautes, et les justes verront avec clarté les germes de justice qui étaient en eux[2]. »
Roi du Paradis
« Allez-vous en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges » Voilà un verset avec lequel notre époque a bien des difficultés. Pourquoi ? Parce qu’il est question de l’enfer et du démon. Sans doute, avons- nous été trop bercés par la chanson On ira tous au paradis… !!! C’est pourquoi, nous refusons jusqu’à l’existence de l’enfer, et de son éternité. Pourtant l’enseignement de l’Eglise affirme toujours l’existence de l’enfer. Aujourd’hui comme par le passé nous croyons que les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel souffrent de la séparation éternelle d’avec Dieu pour lequel nous sommes faits et dont le désir est inscrit au plus profond de nos coeurs.
Faut-il en parler ? Ne devrions-nous pas ne parler que d’amour ? Lorsque l’Ecriture et l’Eglise parlent de l’enfer ce n’est pas pour solliciter une adhésion par la peur, ce qui serait contraire à la liberté de l’homme, c’est pour nous responsabiliser en nous invitant à une cohérence plus grande entre ce que nous croyons, ce que nous voulons, ce que nous disons et ce que nous faisons. Ou plus simplement, pour nous aider à prendre conscience de l’abîme existant entre la sainteté de Dieu et nous et nous permettre ainsi de demander humblement son aide et sa force. Aussi, comme le rappelle le Concile Vatican II, cet enseignement est un appel pressant à la conversion : « Ignorants du jour et de l’heure, il faut que, suivant l’avertissement du Seigneur, nous restions constamment vigilants pour mériter, quand s’achèvera le cours unique de notre vie terrestre, d’être admis avec Lui aux noces et comptés parmi les bénis de Dieu, au lieu d’être, comme de mauvais et paresseux serviteurs, écartés par l’ordre de Dieu vers le feu éternel, vers ces ténèbres du dehors où seront les pleurs et les grincements de dents[3]… »
Reprenons notre lecture de l’Evangile et arrêtons-nous sur le dernier verset : « et les justes, à la vie éternelle ». Nous sommes ici au cœur du cœur de notre foi. En effet, nous croyons à la vie éternelle et bienheureuse auprès de Dieu et à la résurrection de la chair. Par le baptême nous avons reçu les arrhes de vie éternelle et la grâce de la foi. En vivant notre foi, nous voulons que notre vie soit en cohérence avec l’Evangile et l’enseignement de l’Eglise. Chacun de nous fait souvent la douloureuse expérience que fit saint Paul avant nous, de ne pas toujours faire le bien qu’il voudrait faire, mais le mal… Mais tous nous espérons et désirons fermement, avec la grâce de Dieu, la force puisée dans la prière et les sacrements et le soutien de notre communauté paroissiale, parvenir un jour dans la Maison du Père.
Un royaume d’Amour
Aussi, laissons-nous réconforter par les paroles de Jésus et celles de saint Augustin : « ‘Quand il apparaîtra, nous lui serons semblables, car nous le verrons tel qu’il est.’ Voilà la vie éternelle. Tout ce que nous avons pu dire n’est rien en comparaison de cette vie. Nous vivons : qu’est-ce que cela ? Nous jouissons de la santé : qu’est-ce que cela ? Nous verrons Dieu, voilà le bien incomparable. Voilà la vie éternelle. Et c’est lui qui le proclame : ‘La vie éternelle, c’est de te connaître, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ’. Voilà la vie éternelle ; connaître, voir, comprendre, saisir ce qu’on avait cru ; percevoir ce qui, jusqu’ici, nous avait échappé…[4]»
Cet Evangile et cette fête du Christ Roi de l’Univers nous rappellent nos devoirs envers Dieu et nos responsabilités envers le prochain. Du fait qu’Il est le Créateur de tout homme et de l’univers, nous sommes égaux en droits et en en dignité, depuis notre conception jusqu’à notre mort naturelle et nous sommes responsables de la création qu’il nous a confiée. Du fait qu’il est notre Père, nous sommes frères et responsables les uns des autres et surtout des plus petits, des plus pauvres. En ces temps troublés, nous nous souvenons que c’est parce que le Christ est Roi et Juge de l’univers qu’aucun régime politique ne peut légitimement imposer des lois contraires à la loi naturelle, pas plus qu’il ne peut forcer notre conscience à s’y soumettre.
Enfin, en cette dernière semaine de notre année liturgique, je vous invite à faire mémoire de ce qui s’est passé dans votre vie au long de cette année, à rendre grâce, à demander pardon et pourquoi pas à vous confesser ? Faisons nôtre la prière d’ouverture de ce jour : « Dieu éternel, tu as voulu fonder toutes choses en ton Fils bien-aimé, le Roi de l’univers ; fais que toute la création, libérée de la servitude, reconnaisse ta puissance et te glorifie sans fin. » Telle est notre vocation.
Vive le Christ-Roi de l’Univers, bon dimanche et bonne semaine à tous.
Pod
[1] Homélie LXXIX sur l’évangile selon saint Matthieu, 1.
[2] Commentaire de l’Evangile selon saint Matthieu, Tractatus XXXIV 70.
[3] Lumen Gentium , 48.
[4] Sermon CXXVII, 13.
Une réponse à “Le Christ Roi de l’Univers”
[…] PS : je voudrais remercier les Cahiers Libres pour le très beau texte sur le Christ Roi que l’on retrouvera : ici […]