Édito : Quand les calendriers juifs et chrétiens se croisent

Marc Chagall, La vocation d’Ézéchiel (Ez 2, 8 et 3,3).
Alors que comme à chaque automne les lectures que nous propose la liturgie prennent un ton eschatologique et nous font sentir l’imminence de la venue du Royaume (et donc de l’urgence de la conversion), la liturgie juive, elle aussi, comme à chaque automne, semble s’intensifier.
Trois articles de Pneumatis publiés ces dernières semaines nous ont permis de suivre le calendrier juif. Ce fut Roch ha-Shana, il y a trois semaines ; Yom Kippour, il y a quinze jours ; Sukkot, la semaine passée ; ce sera Simhhat Torah vendredi. Par cet enfilement de fêtes liturgiques, le temps juif semble s’accélérer, il court vers sa fin, vers son accomplissement et sa vérité.
À Roch ha-Shana la création est célébrée ; à Kippour le pardon est donné ; et alors même que le peuple d’Israël pourrait s’enorgueillir de cette miséricorde, vient Sukkot où les juifs font mémoire de l’Exode (et de l’exil) et où, sous des tentes ou des cabanes, ils se rappellent que l’homme est “pèlerin et étranger sur la terre” (Gn 23, 4). Voici le peuple de la terre d’Israël relancé par sa liturgie vers l’Israel d’en haut, la Jérusalem Céleste.
Cet empressement liturgique que vivent les juifs en ces jours d’automnes culminera vendredi 1c’est-à-dire dès jeudi soir, puisque le jour biblique commence au coucher du soleil à Simhhat Torah – littéralement : la Joie de la Torah 2Si à strictement parler le terme hébreu Torah désigne le Pentateuque, c’est-à-dire les cinq premier livres de la Bible, il a dans la Bible et dans la tradition juive un sens bien plus large. On le traduit habituellement par “Loi”. Il désigne la parole révélée par Dieu à Moïse au Sinaï et par extension l’ensemble de la Révélation, le Talmud, commentaire juif de la Bible, par exemple est appelé “Torah orale”.. Dans toutes les synagogues du monde, jeudi soir, au coucher du soleil, les rabbins sortiront tous les rouleaux de la Torah qu’ils conservent précieusement dans leurs tabernacles et les fidèles, jeunes et vieux, savants et ignares danseront ensemble en enlaçant les rouleaux.
Comment ne pas voir dans la joie des juifs à cette “descente” de la Torah au milieu d’eux une vérité chrétienne ?
Tout l’Ancien Testament témoigne d’une attente de la venue de Dieu :
Le prophète Sophonie le voit déjà : “Pousse des cris de joie, fille de Sion ! éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, tressaille d’allégresse, fille de Jérusalem ! (…) Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi.“ (So, 3, 14ss) et Salomon l’aperçoit : “Alors qu’un silence paisible enveloppait toutes choses et que la nuit parvenait au milieu de sa course, du haut des cieux, ta Parole toute puissante s’élança du trône royal“ (Sg 18, 14).
Ces annonces et ces espoirs languissent vers un unique évènement dont saint Jean nous a dit la vérité :
“Le Verbe s’est fait chair et il a planté sa tente parmi nous” (Jn 1,14).
Oui, le Seigneur vient ! Oui, il est venu ! Oui, il reviendra bientôt !
L’imminence de la venue du Seigneur que nous fait sentir la liturgie catholique ces dernières semaines vient comme en accomplissement et en réponse à l’accélération du juive du temps. Le temps nouveau inauguré par l’Incarnation, la Mort et la Résurrection de Jésus donne toute sa vérité à l’attente qu’est le temps juif. La jubilation de Simhhat Torah tend vers la venue en chair et en os du Verbe. Enfin, en Jésus, la Torah s’est faite chair ! Elle est venue parmi nous et nous dansons avec elle !
Puisque le Christ n’est pas venu abolir la Loi (en hébreux la Torah), sachons méditer et aimer les traditions juives. Et puisqu’il est venu l’accomplir sachons voir en Jésus le Messie que désire secrètement toutes les liturgies juives.
“Le Seigneur dansera pour toi avec des cris de joie !” (So 3, 18)
Puissent ceux qui attendent la venue du Messie et ceux qui attendent son retour, l’accueillir ensemble lors de sa venue dans la Gloire.
PS : Et à cet entrecroisement de calendrier, se rajoute le calendrier des Cahiers Libres. Notre première année a été célébrée il y a quelques jour, pour fêter ça nous sommes heureux de vous offrir une nouvelle version du site ! Un immense merci à @Incarnare du blog theologieducorps.fr pour la réalisation de ce nouveau site.
Benoît
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Notes :
1. | ↑ | c’est-à-dire dès jeudi soir, puisque le jour biblique commence au coucher du soleil |
2. | ↑ | Si à strictement parler le terme hébreu Torah désigne le Pentateuque, c’est-à-dire les cinq premier livres de la Bible, il a dans la Bible et dans la tradition juive un sens bien plus large. On le traduit habituellement par “Loi”. Il désigne la parole révélée par Dieu à Moïse au Sinaï et par extension l’ensemble de la Révélation, le Talmud, commentaire juif de la Bible, par exemple est appelé “Torah orale”. |
Une réponse à “Édito : Quand les calendriers juifs et chrétiens se croisent”
[…] qui attend le retour du Seigneur. Je vous recommande d’ailleurs vivement la lecture de son excellent édito du 14 octobre […]