François en Corée du Sud
Le voyage de François en Corée du sud a été un temps très fort, et il marquera son pontificat. L’extrême orient n’est pas une destination classique pour les papes. L’Asie dans son ensemble n’est pas majoritairement chrétienne, loin de là. Mais dans certains Etats, les communautés chrétiennes sont extrèmement dynamiques et connaissent un nombre important de baptêmes d’adultes.
La Corée du sud est dans cette situation : avec 100 000 baptêmes par an, cette nation connait une évangélisation impressionnante.
La Corée du sud dessine-t-elle l’Eglise de demain ? Peut-être, car l’ère d’une Eglise catholique centrée sur l’Europe est belle et bien révolue. La déchristianisation fait des ravages dans le vieux continent, alors que la foi chrétienne progresse partout dans le reste du monde. Ce n’est pas un hasard si François n’est pas européen.
L’Eglise de demain ne sera pas européenne, mais américaine, africaine, asiatique : c’est une importante mutation culturelle.
Mais l’histoire de l’Eglise en Corée connait un autre aspect essentiel. La Corée est le seul pays au monde à s’être évangélisé lui-même. La formule peut sembler étrange voire absurde, mais elle est exacte : les premiers chrétiens coréens n’ont pas été évangélisés par des missionnaires étrangers venus en Corée. Ce sont des voyageurs coréens venus à Pékin qui ont découvert le christianisme.
Des lettrés coréens ont rencontré vers 1780 les pères jésuites installés à Pékin. Cette rencontre fut décisive et ils demandèrent le baptême. Pleins de foi, et formés par les jésuites, ils rentrèrent en Corée avec une “bonne nouvelle” à annoncer. Carton plein ! Quelques années plus tard, ils étaient plusieurs milliers de coréens baptisés. Et pas un prêtre catholique sur place.
La première Eglise coréenne a donc été une Eglise de laïcs avec des apôtres laïcs. Mais ils n’entendaient pas créer une nouvelle religion chrétienne sans prêtre coupée de Rome. Ces laïcs voulaient des prêtres afin de recevoir les sacrements et ils étaient profondément attachés à la communion avec Rome. Durant près de vingt ans ils écrivirent au pape pour lui demander des prêtres. Finalement, au bout de longues années, Rome envoya des prêtres qui ordonnèrent des Coréens qui s’étaient préparés depuis tout ce temps à la prêtrise et qui faisaient office d’anciens dans leur communauté. Hélas, le gouvernement coréen, bouddhiste, n’accepta pas l’arrivée de cette nouvelle religion. Cela donna lieu à une persécution terrible et de nombreux chrétiens connurent le martyr. Parmi eux, Saint André-Kim, le premier prêtre coréen.
Dans l’histoire de la Corée, nous voyons deux choses qui parlent à notre temps : un apostolat par les laïcs qui anticipe de deux siècles le message de Vatican II au laïcat, ainsi qu’une vie donnée au Christ jusqu’au martyr.
Notre époque est celle de la montée en puissance des laïcs par le rôle que détient l’individu dans la société moderne. Notre époque est aussi celle qui compte le plus de martyrs et de persécutions : Irak, Syrie, Chine, Inde, Soudan, Nigéria, la liste des Etats où les chrétiens sont persécutés est très longue.
L’Eglise qui est en Corée est fille des laïcs chrétiens et des martyrs de la foi. Cela a pour conséquence un rôle considérable des laïcs dans l’Eglise de Corée et une présence forte de la mémoire des martyrs.
La Corée connaît aussi les maux de notre monde contemporain. Une tendance extrême à la poursuite de la réussite, à la compétition, est sans doute à l’origine d’un nombre colossal de suicide des jeunes. François, qui s’est déplacé dans une petite Kia Soul, une petite voiture populaire et pas chère, a créé un contraste colossal avec le ballet des grosses berlines allemandes des officiels. En Corée du Sud, la réussite sociale est essentielle et elle se traduit par le plus universel des signes extérieurs de richesse : la grosse voiture. L’exemple de François est un symbole fort. Dénonçant une économie inhumaine et une culture de la compétition, François a délivré un message de simplicité et de charité aux chrétiens, et pas seulement aux Coréens car cette question nous concerne tous. C’est en effet notre rapport à l’esprit du monde que le Pape veut toucher. Et la résistance à l’esprit du monde peut aller jusqu’au martyr, comme l’ont témoigné les nouveaux bienheureux de Séoul.
Le voyage du pape en Corée, avec l’enthousiasme de ce pays, la foule immense (1 000 000 de personnes) à la béatification des martyrs, est un évènement puissant qui parle au monde entier. Puissions-nous y être attentifs.
Charles Vaugirard
Une réponse à “François en Corée du Sud”
[…] de jeunes coréens devant le pape François, lors d’un spectacle donné à l’occasion des Journées de la jeunesse asiatique, qui se sont clôturées ce dimanche. Quelle audace ! Reprendre ainsi les paroles mêmes du Christ […]