La semaine prochaine, je vote pour l’Union européenne

« Tout seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin. » – Proverbe
Du 22 au 25 mai 2014, la France votera pour élire 74 députés au parlement européen. Ce scrutin sera marqué, plus que tous les autres, par l’abstention. L’UE n’est pas un enjeu qui déplace les foules. L’UE ne serait pas assez démocratique, trop complexe, trop éloignée des citoyens. Pourtant, l’importance de l’Union européenne dans notre système politique nécessiterait qu’on se penche sur la question avec bien plus d’attention.
Les élections européennes, petit vote, grands enjeux
Rien de plus simple que d’aller voter dans votre bureau de vote habituel. Les bureaux de vote seront ouverts pendant 4 jours, pour élire nos députés pour 5 ans. Comme c’est une élection proportionnelle, on peut voter selon ses convictions sans être obligé de sacrifier ses valeurs à un vote utile. Et puis cette élection est différente des précédentes. En effet, depuis le traité de Lisbonne et pour la première fois, le Président de la Commission européenne doit être approuvé par le Parlement européen. La Commission étant un organe clé dans la gestion de l’UE, cette élection est capitale pour orienter la politique de l’UE.
Cette nouvelle mesure est un premier pas vers une amélioration de la démocratie à l’échelle de l’UE. Et s’il reste des progrès à faire, on peut saluer la direction que cela prend. Et même quand on est convaincu que l’UE n’est toujours pas assez démocratique, il est contradictoire de ne pas saisir l’une des rares occasions de faire valoir la volonté des peuples. Quand on pense qu’un système doit être changé, il faut saisir chaque occasion de le faire aller dans la bonne direction. Cela commence par le vote, et peut se transformer en engagement politique. Ne rien faire de tout cela, c’est laisser décider les autres à notre place.
Le choix du vote, le choix de l’UE
Une fois qu’on s’est décidé à voter, reste à trouver pour qui. A ceux qui voudraient la fin de l’UE, je dirais simplement que le FN n’est pas en mesure de la menacer. Et, plus largement ce raisonnement s’applique aux partis extrêmes, qui sont à éviter. Leur logique du bouc-émissaire et de la table rase ne leur permet pas d’aborder la question intelligemment. Quand on veut tenter d’améliorer la situation, il faut comprendre que l’UE a du bon, et du mauvais. Mais aussi que les liens tissés entre les pays sont trop étroits pour être coupés en un jour. Sortir unilatéralement n’est pas possible, trop d’administrations en commun, d’institutions communes, de pouvoirs partagés… Même la procédure de sortie de l’UE prévue maintenant dans les textes s’étale sur plusieurs années.
Plus de 60 ans de construction européenne ont créé une situation où la réforme ne peut se faire qu’en collaboration avec les autres pays. C’est la logique même du processus voulu par Monnet et les autres pères fondateurs : créer une petite coopération qui en appellerait immanquablement de plus grandes dans le futur. C’est la logique de l’UE, son mode de fonctionnement. Qu’on veuille continuer ou y mettre un terme, il faut s’investir dans le processus démocratique européen.
Le choix de l’UE, le choix de la raison
Pour moi, l’UE est majoritairement une bonne chose. D’abord parce qu’elle préserve la paix, et c’est son rôle premier. La démocratie et la coopération en général ne permettent pas forcément de prendre les meilleures décisions, mais au moins cela préserve la paix sociale. Et l’UE a permis le maintien de la paix à une très grande échelle. Son bilan n’est pas parfait, mais qui sait ce qui se serait passé sans cela ? La première moitié du XXe siècle n’était pas de bon augure.
Ensuite, l’UE nous permet de conserver du poids au niveau international. Au sein de l’UE, la France pèse un poids conséquent. Et l’UE est la première puissance économique mondiale. Mais sans ce relais, la France est bien plus démunie. Sans elle, les 65 millions d’habitants ne pèsent pas grand-chose face aux monstres démographiques sur sont les BRICS. Avec l’UE, nous jouons à armes égales. Par exemple, lors de la négociation des accords de Marrakech instituant l’OMC, la France défendait une vision particulière de la culture. Si elle avait été seule, elle n’aura pas pu faire valoir sa position efficacement, mais l’UE l’a soutenue, et elle a obtenu gain de cause.
L’UE, une chance dans la mondialisation
Penser que l’UE a conduit à la prise de décisions désastreuses, c’est se tromper de coupable. Par exemple, on reproche à l’UE d’avoir laissé notre économie en pâture au néo-libéralisme triomphant et au libre marché. Mais quand on reproche à nos gouvernants d’être à la fois tous vendus au système, comment peut-on penser qu’ils auraient pris une décision différente hors de l’UE ? En fait, l’UE permet même de lutter à armes plus équilibrées pour négocier face à des puissances comme la Chine ou les Etats-Unis. Le pouvoir de négociation et d’influence qu’ont ces pays n’aurait pas changé en divisant l’UE par 28. Il leur suffirait simplement de multiplier les diplomates par 28, et ils ont le budget pour. Donc ici, l’UE est plus une force qu’une faiblesse. Penser que nos dirigeants seuls auraient pu faire mieux relève d’un mélange d’orgueil, de naïveté et de chauvinisme. Et ce qui est fait est fait, le futur reste à faire.
Et effectivement il y a de nombreuses choses à faire pour que l’UE soit réellement une chance. Réformer la zone euro par exemple. Cette zone de libre-échange a permis une grande coopération économique, à l’abri de certaines contraintes de la mondialisation. Mais son fonctionnement est imparfait. Ici la situation est à la fois très complexe et très simple. Très complexe parce qu’une grande majorité d’acteurs sont en jeux, avec des préoccupations très différentes. Très simple, parce que les alternatives sont assez claires : la fin de l’euro, ou un transfert de plus de compétences économiques au niveau européen 1Actuellement, les compétences sont partagées (politiques budgétaire et monétaire essentiellement), ce qui fait qu’aucun des acteurs n’a les moyens de mener une politique économique efficace, d’où une certaine paralysie qui profite aux plus solides. Comme si 2 personnes avaient les deux morceaux d’une clé pour démarrer la machine, si chacun va de son côté, rien ne fonctionnera. Savoir quelle alternative est la meilleure implique de savoir ce qu’on veut pour l’UE, mais quoi qu’il en soit une décision doit être prise, une alternative choisie.
La nécessité de s’impliquer dans le choix des députés
Il faut améliorer le fonctionnement de l’Union européenne, impliquer les citoyens dans le processus politique. On a vu que des efforts étaient faits, il faut donc continuer. Mais cela ne peut continuer que si les citoyens incitent les élus dans ce sens, car sinon ils ont tout intérêt à placer des amis dans des positions ne rendant compte à personne. D’abord cela commence par voter, et sanctionner les élus inefficaces. Rien de tel que la surveillance de leur vote pour ça, via des sites comme Vote Watch. Il faut donc renforcer la transparence dans la prise de décision. Et le déficit démocratique n’est pas une fatalité, des nations comme les Etats-Unis parviennent à mettre en place la démocratie à grande échelle. A nous d’inventer notre recette.
Et pour mettre en place notre recette, il faut voter la semaine prochaine. Peut-être que les candidats ne nous satisfont pas pleinement, mais on ne peut s’en vouloir qu’à nous-mêmes. On a laissé trop longtemps les appareils politiques reléguer la question européenne au second plan. Le parlement européen ne doit pas être la voie de garage des politiques en fin de carrière. Il faut influencer les partis de gouvernement pour qu’ils aillent dans le bon sens. Des initiatives comme Sens Commun ou Esprit Civique vont dans ce sens. On peut souhaiter que les débats de l’année passée fassent prendre conscience à nos concitoyens leur rôle politique, et pas simplement quand ça chatouille leur confort idéologique.
Si vous ne savez pas encore où ira votre voix, un comparatif vous donnera des idées.
En attentant, la semaine prochaine, il faudra voter. Et moi, je voterai pour l’Europe.
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Notes :
1. | ↑ | Actuellement, les compétences sont partagées (politiques budgétaire et monétaire essentiellement), ce qui fait qu’aucun des acteurs n’a les moyens de mener une politique économique efficace, d’où une certaine paralysie qui profite aux plus solides. Comme si 2 personnes avaient les deux morceaux d’une clé pour démarrer la machine, si chacun va de son côté, rien ne fonctionnera |
Une réponse à “La semaine prochaine, je vote pour l’Union européenne”
[…] Et plus généralement, cette élection aura un impact sans précédent, du fait des récents changements de la législation européenne. Il est donc important de se mobiliser derrière des partis susceptibles de porter un message […]