One of Us : Peut-on gagner par voie de pétition ?
« Bonjour, vous auriez une minute ? Une petite signature pour les sans-abris / les sourds / les bébés phoques / autre ! »
Quand on se balade dans les artères des grandes villes, les pétitions semblent partout. Mais en Droit aussi, on n’oublie pas la pétition. A l’heure où on reproche aux élus d’être trop éloignés des citoyens, ces derniers peuvent-ils malgré tout faire entendre (légalement) leur voix ? Le sujet est d’actualité car aujourd’hui a lieu l’audience publique à la commission européenne pour la pétition « One of us » demandant à l’Europe d’interdire et de mettre fin au financement des activités qui impliquent la destruction d’embryons humains, et la commission devra se prononcer d’ici mai.
Petit tour d’horizon des possibilités majeures… Et des résultats.
Avant tout, sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, rappelons une nouveauté de la réforme constitutionnelle de 2008 : le CESE (Conseil économique, social et environnemental) peut, en vertu de l’article 69 de la Constitution, être saisi par voie de pétition (recueillant au moins 500 000 signatures) afin de « faire connaître au gouvernement et au parlement les suites qu’il propose d’y donner ». Le moins qu’on puisse dire, c’est que la première pétition, dépassant largement le nombre requis de signature, laisse peu d’espoir à ce moyen de faire entendre sa voix. La majorité d’entre vous se souvient des 700 000 pétitions portées par La Manif Pour Tous, déclarées irrecevable par le CESE. Et ce dernier qui s’était malgré tout immédiatement auto-saisi du même sujet sur la famille avant de dire, en gros, qu’il ne pouvait pas se prononcer sur les enjeux soulevés parsa propre question. Ces évènements ont entrainé la démission d’un des membres principaux du CESE. Politisé et inefficace, le CESE peut retomber dans l’oubli, on a compris que ce n’était pas à lui qu’on pouvait adresser nos pétitions.
Le CESE ne veut pas de nous, pas de panique ! Tournez quelques pages de votre Constitution (roh, allez, au moins les étudiants en droit), l’article 72-1 arrive à la rescousse : il est possible de demander, par voie de pétition d’inscrire un sujet à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriales ! Cette pétition doit être portée par un cinquième des électeurs inscrits sur les listes électorales d’une commune et, dans les autres collectivités territoriales, un dixième des électeurs. Peu de chiffres récents, mais ce dispositif semble peu utilisé : sur 2 ans (2008 et 2009), seules 17 demandes ont été faites. Sur plus de 36 500 communes, le chiffre est plutôt maigre. De plus, il y a un couac : il s’agit juste de demander, et le choix de l’inscription ou non reste ensuite à la discrétion du maire. On a donc tout à parier, au vu du contexte politique français, qu’une pétition de l’opposition, ou tout simplement pas au goût des élus serait rejetée.
Aïe. Les choix se réduisent comme peau de chagrin.
Mais eurêka, nous sommes citoyens français mais aussi citoyens européens, cette citoyenneté nous donne des droits, et notamment celui de pétitionner devant la commission européenne. Le site officiel des initiatives européennes donne toutes les infos et comme je suis gentille, je vais les résumer pour vous. Une initiative citoyenne européenne (c’est le nom donné à la pétition) est « une invitation faite à la Commission européenne de présenter une proposition législative dans un domaine dans lequel l’UE est habilitée à légiférer. L’initiative doit être soutenue [dans un délai d’un an] par au moins un million de citoyens européens issus d’au moins 7 pays sur les 28 que compte l’Union ». La Commission a ensuite 3 mois après la réception pour rencontrer les organisateurs, les laisser présenter l’initiative lors d’une audition publique, et donner une réponse officielle. Là encore, et c’est clairement rappelé, « la Commission n’est pas tenue de présenter une proposition législative à la suite d’une initiative ». Aïe. Mais soyons optimistes, et regardons ce qui se passe. A ce jour, 9 initiatives sont en cours de récolte, et 2 ont atteint le bon chiffre pour être présentées : la pétition « Right2water » et (vous l’attendiez !) la pétition « Un de nous ». Et, pour avoir signé la pétition du CESE et la pétition européenne, j’espère vraiment que cette dernière, signée par 1 721 626 citoyens européens aura plus d’impact que la première.
Quel espoir nous donne la pétition Rights2Water, qui demandait «à proposer une législation qui fasse du droit à l’eau et à l’assainissement un droit humain au sens que lui donnent les Nations unies, et à promouvoir la fourniture d’eau et l’assainissement en tant que services publics essentiels pour tous» ? La commission, dans sa communication à ce sujet (allez, c’est résumé ici) s’engage à « prendre les mesures concrètes et nouvelles actions suivantes dans les domaines qui présentent un intérêt direct pour l’initiative et ses objectifs » Cette première pétition est donc une réussite. Notons qu’il faut s’y mettre à plus d’un million pour se faire entendre, mais c’est possible ! Au vu des possibilités et des résultats, en appeler à la Commission européenne semble être notre meilleur espoir.
La pétition « Un de nous » a récolté le plus grand nombre de signatures pour une initiative citoyenne : les européens ont montré leur attachement à ce domaine, signé et relayé la pétition, le reste est maintenant entre les mains des commissaires. Une pétition moins importante a réussi, alors pourquoi pas nous ?
@Y_saxo
2 réponses à “One of Us : Peut-on gagner par voie de pétition ?”
Je ne pense pas que l’on puisse jeter le CESE aux orties. La première pétition qu’il a reçue a été jetée à la poubelle car elle n’était pas politiquement correcte.
D’autres pétitions citoyennes plus consensuelles pourront sûrement avoir un impact, par exemple sur les bébés phoques ou autres sujets d’importance similaire.
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