Gender Studies, culte des reliques et patristique

Lisant un énième article sur les Gender Studies 1L’actualité impose parfois cette redondance dans la lecture., y voyant expliqué pour la énième fois que le sexe biologique ne suffit pas à rendre compte de l’identité sexuelle, qu’il faut y intégrer le genre c’est-à-dire la part construite de l’identité sexuelle, dans une soudaine lumière j’ai pensée à la vénération des reliques.
Les reliques ? Oui, oui, les reliques !
Si nous vénérons les ossements et autres restes des saints c’est parce que nous croyons que la sainteté ne consiste pas en une simple conversion intérieure, mais bien en une sanctification de tout notre être par l’Esprit vivifiant. Accueillir Jésus comme sauveur, c’est l’accueillir jusqu’en les plus infimes éléments de notre vie. Jusqu’au bout des ongles, jusqu’à la pointe des cheveux ! Vous connaissez l’adage patristique ce qui est assumé est sauvé… Or le Verbe de Dieu n’a pas seulement assumé un esprit humain, mais bien aussi une âme et un corps. Esprit, âme et corps sont donc tout entier sauvés ! La sainteté, c’est jusqu’à la pointe des cheveux ! Jésus n’a-t-il pas prévenu que même “les cheveux de votre tête sont tous comptés” 2Lc 12, 7. ? Et s’il les a comptés ce n’est pas pour passer le temps, c’est pour les sauver !
Ainsi ceux qui ont accueilli le Christ en tous les détails de leur vie s’en retrouvent tout entier transfigurés. Comme le Christ sur le Mont Tabor, leur corps, leur visage et même leurs vêtements deviennent lumineux.is bien en une sanctification de tout notre être par l’Esprit vivifiant. Accueillir Jésus comme sauveur, c’est l’accueillir jusqu’en les plus infimes éléments de notre vie. Jusqu’au bout des ongles, jusqu’à la pointe des cheveux ! Vous connaissez l’adage patristique “ce qui est assumé est sauvé”, or le Verbe de Dieu n’a pas seulement assumé un esprit humain, mais bien aussi une âme et un corps. Esprit, âme et corps sont donc tout entier sauvés ! La sainteté, c’est jusqu’à la pointe des cheveux ! Jésus n’a-t-il pas prévenu que même “les cheveux de votre tête sont tous comptés” 3Lc 12, 7. ? Et s’il les a comptés ce n’est pas pour passer le temps, c’est pour les sauver !
Avant de retourner à nos Gender Studies, prolongeons notre digression par un détour chez les Pères de l’Église. Ces derniers 4Surtout ceux de langue grecque., à la suite de saint Paul 5Cf. 1 Th 5, 23 “Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie totalement, et que votre être entier, l’esprit, l’âme et le corps, soit gardé sans reproche à l’Avènement de notre Seigneur Jésus Christ”., proposent une anthropologie ternaire 6nous dirons ternaire plutôt que tripartite pour éviter de laisser croire que ses trois éléments sont indépendants les uns des autres. où l’homme est corps (en grec : soma), âme (en grec : psychê) et esprit (en grec : pneuma ou nous) 7Selon les auteurs et les époques ces termes ont des sens différents. Dans le langage courant nous utilisons notamment souvent âme pour esprit. Pour bien suivre mon propos, il faut donc être attentif au sens que je donne, à la suite des Pères grecs, à chacun de ses mots.. Par corps (soma), il faut entendre la part organique de l’homme. Par âme (psyché), il faut entendre à la fois la sensibilité, la mémoire, le psychisme… bref tout un tas d’éléments en nous sur lesquels nous avons peu de prise. Et par esprit (pneuma ou nous), il faut entendre la part proprement spirituelle et libre de l’homme, c’est-à-dire son intelligence et sa volonté.
Les trois éléments de l’homme étant identifiés, il faut maintenant penser leurs relations. Les Pères (et les médiévaux) s’accordent à penser que dans le Jardin d’Eden, avant la chute, la grâce de Dieu donnait au corps, à l’âme et à l’esprit une harmonieuse unité. L’esprit de l’homme ordonné à l’Esprit de Dieu, l’âme de l’homme ordonnée à son esprit, son corps ordonné à son âme. D’étage en étage, l’homme était unifié par la grâce 8Saint Thomas d’Aquin compare l’homme unifié et l’homme intérieurement désordonné à l’amateur de gastronomie et au glouton. Il conclut ainsi que l’unité de l’homme avant la chute, loin de le priver des plaisirs de la vie, lui permettrait d’y gouter encore mieux (à la manière de l’amateur de gastronomie). Saint Thomas étend ensuite cette conclusion aux rapports sexuels : la sexualité d’Adam et Ève avant la chute loin d’être triste et morose n’en est était que plus plaisante (à la manière de l’amateur de gastronomie)..
Mais évidement, nous ne sommes plus dans le Jardin… et en nous règne le désordre. Le corps dit ceci, l’âme dit cela, l’esprit dit encore autre chose, et l’Esprit de Dieu, lui, … on ne sait plus trop ce qu’il dit.
Reste cependant un espoir. En accueillant Jésus par la foi, notre esprit renoue avec l’Esprit Saint (Rm 8). S’ouvre alors la possibilité d’un ré-ordonnancement de tout notre être. L’esprit, ressaisi par l’Esprit de Dieu, peut espérer ressaisir l’âme, et cette dernière peut espérer ressaisir le corps… et ce, jusqu’au bout des cheveux.
Ceux qui ont eu la chance de croiser de vrais hommes de Dieu savent que la foi peut se lire sur un visage.
À la justification (l’accueil du Christ comme sauveur) peut donc faire suite la sanctification (la transfiguration de tout notre être par la grâce du salut).
Ok pour les reliques, ok pour la sanctification capillaire (parce qu’on le vaut bien !), mais quel rapport avec les Gender Studies ?
Guidé par l’anthropologie biblique et patristique, il faut donc reconnaître qu’il y a en nous une part construite (déconstruite ?). Une part de nous informée (déformée ?) par notre histoire personnelle (comme le montre la psychologie), par notre environnement social (comme le montre la sociologie), etc. Judith Butler parlait d’un trouble dans le genre, je parlerai volontiers d’un trouble dans l’âme. Notre âme en tant que sensible est en effet sans cesse marqué par notre environnement. Comme une eau sur laquelle on jette des cailloux, notre âme est trouble de mille informations.
Et ensuite ? Dois-je me résoudre à la troublitude de mon âme (déclinez : à la troublitude de mon genre, de mon identité sexuelle, de ma psychologie, …) ? Et bien non ! Tout ce qui est assumé est sauvé, disais-je, et justement Jésus ayant assumé une âme (déclinez : un genre, une identité sexuelle, une psychologie) peut pacifier les nôtres. Il peut nous mener vers l’unité corps-âme-esprit (et donc notamment vers l’unité entre sexe biologique et genre).
La tradition spirituelle hesychaste 9Spiritualité orthodoxe grecque et russe enracinée dans la pratique des Pères du désert. parle de la prière comme d’un moyen de faire descendre l’esprit dans le cœur. Entendez comme un moyen pour que l’Esprit de Dieu, via l’esprit de l’homme, descende dans les profondeurs de l’âme 10Dans la tradition orientale, le cœur est associé à l’âme, c’est-à-dire au centre affectif et psychologique de l’homme. La vie chrétienne n’est pas seulement l’accueil spirituel de Jésus comme sauveur, mais aussi l’accueil psychologique (c’est-à-dire par l’âme, par le cœur, par le plus profond de nos entrailles) et corporel de Jésus comme sauveur.
L’incarnation de la grâce en nous, si j’ose dire, doit descendre jusqu’en bas ! Le salut ne s’arrête pas au sommet de notre esprit, il descend jusqu’à nos ongles de pied, il s’enfonce jusqu’aux profondeurs obscures de notre cœur.
Ce détour patristique nous rappelle finalement que notre identité (sexuelle, mais pas que) est dynamique et peut évoluer. Une réconciliation entre sexe biologique et genre est possible. Certes l’unité corps, âme, esprit n’est pas donnée dès le départ, mais la voie ascétique de l’accueil de la grâce ouvre un sentier vers l’unité.
Alors voilà, Mme Butler, pour vos troubles de genre, je vous propose d’accueillir Jésus et de lire les Pères de l’Église (et éventuellement de vénérer des reliques… mais bon, j’ai conscience qu’il faut y aller par étape!).
Aux côtés des Pères du Désert, “les fols en Christ”.
À la fin de cet article une précision s’impose. Comme l’enseigne la Bible et la tradition, c’est bien la foi qui sauve, car le Christ lui-même nous a justifiés sur la Croix. Il ne s’agit donc en aucun cas de croire que c’est la pacification et l’unité totale de notre être qui qui nous assurera le salut. Le salut ne consiste pas dans le fait d’avoir résolu tous ses troubles de genre. Le salut, c’est d’accueillir Jésus comme sauveur, même de ces troubles-là.
Il ne s’agit pas non plus de dire que la conversion au Christ provoque la résolution immédiate de tous nos troubles. La grâce peut agir parfois avec une rapidité spectaculaire, mais le chemin habituel que nous propose Jésus est un long chemin d’humilté où il faut chaque jour porter sa croix.
Il me semble même qu’il y a dans le cortège des saints des places réservées pour les cabossés de la vie. Aux côtés des hiératiques et processionnant Pères du Désert, imposants par leur unité intérieure, défile une foule surprenante de fols en Christ éblouissant par leur désordre intérieur. Au lieu de tout avoir ajusté en eux, la grâce semble les avoir volontairement “désajustés” afin de laisser du jeu entre leurs morceaux et d’y jaillir plus librement. Au sujet de cette petite voie des cabossés un autre article serait nécessaire.
[Correctio – 11/02/14 – La lecture d’un papier du blog Ryosai répondant à mon article, m’a fait réaliser que j’y ai commis un important contre-sens. J’utilise le terme de genre en synonyme d’identité sexuelle subjective, c’est-à-dire comme résultante de nombreuses influences (psychologiques, sociales, culturelles…) Or, comme le fait très justement remarquer l’auteur, en sociologie le genre ne désigne pas l’identité subjective mais le rapport interpersonnel. Le genre c’est la représentation des rôles masculins et féminins porté par une communauté. Dans mon article, je confonds donc la cause sociale – la détermination sociale des rôles homme/femme – et la conséquence subjective – l’identité sexuelle trouble déterminée entre autre par les rapports sociaux. Cette correction de vocabulaire établie, mon propos garde, il me semble, sa valeur comme critique d’une vision exclusivement déterministe de l’identité sexuelle.]
Benoît.
Lisez aussi :
Notes :
1. | ↑ | L’actualité impose parfois cette redondance dans la lecture. |
2, 3. | ↑ | Lc 12, 7. |
4. | ↑ | Surtout ceux de langue grecque. |
5. | ↑ | Cf. 1 Th 5, 23 “Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie totalement, et que votre être entier, l’esprit, l’âme et le corps, soit gardé sans reproche à l’Avènement de notre Seigneur Jésus Christ”. |
6. | ↑ | nous dirons ternaire plutôt que tripartite pour éviter de laisser croire que ses trois éléments sont indépendants les uns des autres. |
7. | ↑ | Selon les auteurs et les époques ces termes ont des sens différents. Dans le langage courant nous utilisons notamment souvent âme pour esprit. Pour bien suivre mon propos, il faut donc être attentif au sens que je donne, à la suite des Pères grecs, à chacun de ses mots. |
8. | ↑ | Saint Thomas d’Aquin compare l’homme unifié et l’homme intérieurement désordonné à l’amateur de gastronomie et au glouton. Il conclut ainsi que l’unité de l’homme avant la chute, loin de le priver des plaisirs de la vie, lui permettrait d’y gouter encore mieux (à la manière de l’amateur de gastronomie). Saint Thomas étend ensuite cette conclusion aux rapports sexuels : la sexualité d’Adam et Ève avant la chute loin d’être triste et morose n’en est était que plus plaisante (à la manière de l’amateur de gastronomie). |
9. | ↑ | Spiritualité orthodoxe grecque et russe enracinée dans la pratique des Pères du désert. |
10. | ↑ | Dans la tradition orientale, le cœur est associé à l’âme, c’est-à-dire au centre affectif et psychologique de l’homme |
Une réponse à “Gender Studies, culte des reliques et patristique”
[…] les épaules et passé à autre chose. Mais plus tard, également sur twitter, je tombai sur ce billet d’un webzine catho en général de bonne facture qui révèle une lecture très superficielle […]